Agathe Habyarimana interpellée en France

La rédaction - 2/03/2010
Image:Agathe Habyarimana interpellée en France

Justice
La veuve Habyarimana va-t-elle être extradée vers Kigali ?

Cinq jours après la visite de Nicolas Sarkozy au Rwanda, Agathe Habyarimana, la veuve du président rwandais assassiné en 1994, a été arrêtée mardi dans l’Essonne où elle réside depuis 12 ans, à la demande de Kigali qui réclame son extradition pour son rôle présumé dans le génocide.

Elle avait été exfiltrée par l’armée française, avec quarantaine de responsables du
parti génocidaire, aux premiers jours du génocide.

Agathe Kanziga, veuve Habyarimana, a été interpellée peu avant huit heures à son domicile de Courcouronnes, dans l’Essonne, sur la base d’un mandat d’arrêt international émis par les autorités rwandaises pour génocide, a-t-on appris de sources proches du dossier.

Kigali l’accuse d’avoir participé à la planification et à l’organisation du génocide. Elle est souvent présentée comme une membre de l’« Akazu », le premier cercle du pouvoir hutu qui a planifié le génocide.

En France, déjà en octobre 2009, la Commission de recours aux réfugiés avait ainsi pris « acte de la réalité de son départ du pays le 9 avril 1994, diverses indications révèlent également ses interventions, depuis l’étranger, dans les affaires intérieures rwandaises, en liaison continue avec des personnalités du gouvernement intérimaire, impliquées dans le génocide, et sa tentative de mettre à leur service ses accointances au sein de la communauté internationale », ajoutant que « ces développements permettent dès lors d’établir la réalité de l’influence prépondérante de l’intéressée dans le fonctionnement du pouvoir politique tel qu’il s’est réellement exercé au Rwanda de 1973 à 1994, notamment par un rôle de coordinatrice occulte de différents cercles politique, économique, militaire et médiatique, de souligner également la réalité de son positionnement prépondérant au sein de ce qui a été désigné comme l’akazu, au sens d’une confrérie fondée sur des liens familiaux, d’affaires ou d’intérêts impliquée dans l’exercice autoritaire du pouvoir par l’intermédiaire de structures de violence organisée, de déterminer enfin sa participation, au sein de ces différentes structures, à l’élaboration et à la préparation de massacres sur une base ethnique d’avril à juillet 1994 ».

Nicolas Sarkozy et son homologue rwandais Paul Kagame, qui a longtemps accusé la France de complicité de génocide, ont scellé la réconciliation entre les deux pays après trois ans de rupture des relations diplomatiques. Cette arrestation peut ainsi être interprétée comme un gage de bonne conduite de la France envers les engagements pris à Kigali par son président.

Au cours de cette visite, le président français a en effet affirmé sa volonté que « tous les responsables du génocide soient retrouvés et soient punis (..) où qu’ils se trouvent » tout en rappelant être tenu par « l’indépendance de la justice ».
Evoquant sans la nommer le cas d’Agathe d’Habyarimana, il a rappelé que la France a « refusé l’asile politique à une des personnes concernées, et (qu’) il y a une procédure judiciaire engagée ».

Réfugiée à l’ambassade de France au début des massacres, Agathe Habyarimana avait été exfiltrée vers Paris par des militaires français lors de l’opération Amaryllis (8-14 avril 1994). Après avoir résidé au Gabon, au Zaïre et au Kenya, elle s’est installé en France en 1998.

En octobre 2009, le Conseil d’Etat a refusé la demande d’asile qu’elle avait présentée cinq ans auparavant, arguant qu’il y avait des « raisons sérieuses de penser » à son implication « en tant qu’instigatrice ou complice » dans le « crime de génocide » entre avril et juillet 1994 au Rwanda.

On retiendra notamment de la décision de la Commission de recours aux réfugiés que cette dernière estime avoir « des raisons sérieuses de penser que Mme Agathe KANZIGA veuve HABYARIMANA a participé en tant qu’instigatrice ou complice à la commission du crime de génocide, entendu au sens des stipulations de l’article 1er, F, a) de la convention de Genève. »

Mme Habyarimana est par ailleurs l’objet d’une enquête à Paris ouverte en 2008 à la suite d’une plainte la visant notamment pour complicité de génocide. Elle n’a à ce stade pas été entendue par les juges d’instruction chargées du dossier.
Dans le cadre de la procédure d’extradition pour laquelle elle a été interpellée, Agathe Habyarimana doit être présentée dans les 24 heures devant le parquet d’Evry puis devant le parquet général de Paris dans un délai de sept jours.

La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris devra ensuite statuer sur la demande d’extradition de Kigali.

[Sources : Le Parisien, La Nuit rwandaise, AFP]

Pour contacter les Éditions Izuba et proposer un manuscrit, c’est ici

L’équipe Izuba Information
Vous voulez :
• Proposer un article ;
Demander des informations sur notre activité, notre collectif ;
Signaler un contenu problématique (articles ou sites référencés, textes publiés par les auteurs) (merci de bien nous préciser l’adresse (url) de la page concernée) ;
Participer à « la vie » du site (devenir administrateur d’une rubrique [dossier, info pays, ...] ;
• ... ou tout simplement nous poser une question ou nous signaler un dysfonctionnement,
utilisez le formulaire ci-dessus.
Vous recevrez une réponse rapidement.
Merci.
— L’équipe Izuba Information

 2/03/2010

 Vos commentaires

Articles référencés 

O. NGENZI & T. BARAHIRA :Premier procès en 2016
31/07/2016
Rwanda 1994 : « Un génocide sans importance ? »
8/07/2016
Procès Ngenzi/Barahira : arrêts officiels de la cour d’assises
7/07/2016