Deux catégories de français au pays des droits de l’homme

La rédaction - 21/02/2012
Image:Deux catégories de français au pays des droits de l'homme

Côte d’Ivoire - Michel Gbagbo
« Libération de tous les prisonniers politiques »

Le 8 février dernier le président français Nicolas Sarkozy a tenu un important discours à l’occasion du grand dîner du CRIF (Conseil Représentatif des Institutions juives de France).

Certains n’ont pu entendre ce discours.

D’autres l’ont entendu, sans toutefois pouvoir l’analyser et le comprendre dans une mise en rapport avec la situation politique ivoirienne.

C’est donc le lieu de revenir sur une partie de ce discours pour interpeller Nicolas Sarkozy et les français sur le fourvoiement et le mensonge déshonorants pour la France de leur président.

Le discours sarkozien contenait un hommage au jeune soldat franco-israélien, Guilad Shalit, ex-otage du Hamas, mouvement islamique palestinien. Ce jeune soldat israélien a été libéré en octobre 2011, après plus de cinq ans de détention.

Une libération rendue possible à la suite d’un accord d’échange de prisonniers. Sa libération fut un réel évènement. 1000 prisonniers palestiniens et arabes échangés contre l’unique prisonnier Guilad Shalit.

Sakozy en a félicité le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou. Par son choix courageux, soutient Sarkozy, il a bien montré qu’Israël est une démocratie. Car en démocratie, poursuit Sakozy, la vie est « sacrée » et « on attache du prix à une vie et pas seulement à 1000 ». C’est d’ailleurs pour cette raison que toute la France, selon lui, s’est mobilisée pour la libération de Guilad Shalit, parce qu’il a été « persécuté, maltraité, torturé ».

Avant de poursuivre, référons nous à l’essentiel du discours pour ce qui est ici en question.

« Honte, dit Sarkozy, à ceux qui ont fait cela [prise en otage de Guilad Shalit], honte à tous ceux à travers le monde qui pensent que quelque idée que cela soit puisse justifier ce comportement barbare. Aucune idée, aucune idéologie, aucune situation ne peut justifier ce qui a été fait à Guilad Shalit. J’ai dit dès le jour de mon élection que Guilad était français, comme Ingrid Betancourt ou comme les infirmières bulgares. Ce n’était pas une façon de retirer à Guilad sa nationalité israélienne. C’était une façon de dire que la mission de la France c’est d’être aux côtés de tous les Guilad Shalit dans les geôles de Gaza ou ailleurs dans le monde. Quand un homme est persécuté, quand un homme est humilié, quand un homme est torturé, quand ses tortionnaires, où qu’ils se trouvent, pensent qu’ils est seul, la mission de la France c’est de dire que cette victime persécutée, elle est française. Elle est française pas par la nationalité, pas par les papiers, mais elle est française parce qu’elle souffre, parce qu’elle est seule. »

Parler est un moyen de se taire, selon le philosophe Nietzsche.

Sarkozy l’a bien compris. Il a parlé pour se taire sur le cas Michel Gbagbo, persécuté, humilié et torturé par ses tortionnaires, comme l’était Guilad Shalit.

Mais après avoir entendu de tels propos, il va de soi qu’ils suscitent quelques interrogations face à l’injustice que subit le franco-ivoirien, Michel Gbagbo, digne fils de son père Laurent Gbagbo et de sa mère Jacqueline Chamois.

Nicolas Sarkozy, le président des français, est-il un homme sérieux, crédible, sensé défendre les valeurs républicaines de la France exprimées dans sa devise « Liberté, Egalité, Fraternité » ? Nicolas Sarkozy est-il devenu un preneur d’otage, un ami des terroristes et des ennemis des droits de l’homme en Côte d’Ivoire ? Quelle fin poursuit la contradiction entre son discours et ses actes, et jusqu’où peut-elle aller ?

Le 11 avril 2011, à l’issue d’une guerre, le Président Gbagbo est renversé par un coup d’Etat militaire pour instaurer une dramanocratie (le pouvoir par procuration de Dramane Ouattara) en Côte d’Ivoire. Mais Nicolas Sakozy a pris soin de ne pas avoir à gérer des prisonniers encombrants. Son armée sous-traite ses prisonniers avec les rebelles qui ont combattus à ses côtés pour la chute du régime de Gbagbo. Parmi ses prisonniers se trouve Michel Gbagbo, le franco-ivoirien, pris comme plusieurs autres aux cotés de son père le même jour.

Depuis ce jour, il croupit en prison à Bouna, torturé, persécuté, humilié et avili, après un séjour passé dans le camp de concentration de l’hôtel du golf. Et pourtant, Nicolas Sarkozy a clamé que « la mission de la France c’est d’être aux côtés de tous les Guilad Shalit dans les geôles de Gaza ou ailleurs dans le monde. »

Mission sacro-sainte dont doit bénéficier tout français au nom de l’égalité républicaine ou mission sélective selon les caprices, le bon vouloir et les intérêts personnels de Nicolas Sarkozy ? Michel Gbagbo a-t-il perdu sa nationalité française, parce qu’il est le fils d’un Laurent Gbagbo, ennemi déclaré du néocolonialisme occidental en Afrique en général et en Côte d’Ivoire en particulier ?

Michel doit-t-il croupir en prison, parce qu’il n’est pas un Guilad Shalit, parce que sa mère Jacqueline Chamois n’est pas juive ? Nicolas Sarkozy devra répondre à toutes ses interrogations pour justifier son mutisme, son laxisme, son indifférence au sort tragique de Michel Gbagbo.

Par ses propos, Nicolas Sarkozy voulait-il juste rappeler des faits ou vanter la règle d’une France qui est toujours aux côtés de ses ressortissants en otage ou en prison partout dans le monde ? Loin de rappeler juste des faits, Nicolas Sarkozy s’est employé à vanter ce qui est devenu la règle. Depuis une décennie ou plus, la France a remarquablement travaillé à la libération de ses ressortissants pris en otage ou emprisonnés à l’étranger (Ingrid Betancourt, les infirmières bulgares, des membres de l’Association « L’Arche de Zoé », pour ne citer que ceux-là). La France s’y est employée, selon les cas, par la diplomatie, l’action militaire ou des paiements de rançons. Mais le mutisme de Nicolas Sarkozy sur le cas de Michel Gbagbo, fait de celui-ci l’exception, qui confirme bien la règle.

Au-delà de la règle, cette exception confirme que Michel Gbagbo est un otage de Nicolas Sarkozy, sous-traité par la dramanocratie. Car une simple injonction à sa marionnette Dramane Ouattara aurait suffi à Sarkozy pour obtenir la libération de Michel Gbagbo. Mais il s’y refuse obstinément. Il ne faut donc pas s’attendre à ce que le preneur en otage de Michel Gbagbo, Nicolas Sarkozy en l’occurrence, demande sa libération. Pour une fois l’homme joue franc jeu. Et « Liberté, Egalité, Fraternité » deviennent la grande escroquerie républicaine dont Nicolas Sarkozy est l’agent. Sinon il s’illustre clairement comme le grand fossoyeur de ces valeurs républicaines. Si Sarkozy, dans le rôle qui est le sien, n’est pas capable de tenir les promesses de la devise républicaine de la France par une simple injonction téléphonique, peut-il tenir ses promesses électorales ?

« Michel Gbagbo est en prison à Bouna, parce qu’il était avec son père lors de l’arrestation de celui-ci ». Cette absurdité est du Garde des Sceaux et Ministre ivoirien de la Justice, M. Ahoussou Kouadio Jeannot, face à des journalistes, à l’occasion d’une interview télévisée. En d’autres termes Michel Gbagbo a commis un délit de patronyme, ni plus ni moins, comme en 1992, après les évènements du 18 février de cette même année.

Sarkozy a menti aux français en disant que « la mission de la France c’est d’être aux côtés de tous les Guilad Shalit dans les geôles de Gaza ou ailleurs dans le monde. » ou il a trahi cette mission dans le cas Michel Gbagbo. Michel Gbagbo, un français, croupit seul dans sa prison à Bouna, loin de la France, loin du soutien et de la compassion de la France, dans l’indifférence absolue des autorités françaises et de la grande majorité de la classe politique française de droite et d’extrême droite comme de gauche.

C’est cela la France des droits de l’homme, la France de la confrérie des « bagousous » (sorciers, selon le professeur Dédi Séry), prête à dévorer ses enfants pour assouvir sa faim !

Tous ceux qui veulent faire de la dramanocratie une démocratie en brandissant des élections législatives, au taux de participation largement inférieur à la moyenne, devront se montrer plus sérieux en lui exigeant la libération de tous les otages politiques.

Il est ridicule, et non malin, de présenter la dramanocratie comme une démocratie, en éludant volontairement la question des droits de l’homme, un des baromètres essentiels de la démocratie.

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 21/02/2012

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