Pauline Nyiramasuhuko condamnée à perpétuité

La rédaction - 24/06/2011
Image:Pauline Nyiramasuhuko condamnée à perpétuité

Sans Madame Pauline, « le génocide n’aurait pas été possible à Butare »
1ere femme reconnue coupable de génocide par une juridiction internationale

Aujourd’hui à Arusha, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a condamné à la prison à perpétuité l’ex-ministre de la famille Pauline Nyiramasuhuko, première femme reconnue coupable de génocide par une juridiction internationale.

Pauline Nyiramasuhuko avait été nommée au ministère de la Famille en avril 1992, puis reconduite dans ses fonctions en 1993 et en 1994. Au printemps de cette année-là, elle est envoyée par le gouvernement à Butare, région du sud du pays d’où elle est originaire.

Dans cette ville universitaire le génocide tarde trop à démarrer, selon le pouvoir génocidaire.

La ministre va accélérer les choses...

Dans un témoignage livré au New York Times, un des participants au génocide a raconté comment la ministre d’alors a supervisé, le 25 avril 1994, le massacre du stade de Butare. Ce jour-là, un piège est tendu aux Tutsi, attirés dans le stade par la promesse d’y trouver une aide de la Croix-Rouge.

En fait d’assistance, ils tombent sur des Interahamwe, les milices génocidaires, qui les massacrent. Selon ce témoin, Pauline, qui avait 48 ans à l’époque, encourageait les miliciens à violer les femmes avant de les tuer. Pour ajouter à l’horreur, la ministre aurait ordonné à son propre fils de se livrer à ces actes. « Shalom Ntahobali n’était pas loin de sa mère ; il a tué et violé », a accusé la représentante du procureur dans son réquisitoire.

Son procès aura duré 10 ans.

Dans son jugement, le TPIR a reconnu Pauline Nyiramasuhuko coupable de génocide, de conspiration en vue de commettre un génocide, d’extermination considéré comme un crime contre l’humanité et de viol considéré comme un crime contre l’humanité.

Elle et son fils écopent de la prison à perpétuité.

L’ancien préfet de Butare Sylvain Nsabimana a été condamné à 25 ans de prison, son successeur à ce poste Alphonse Nteziryayo à 30 ans, et deux anciens maires de la région, Joseph Kanyabashi et Elie Ndayambaje, à respectivement 35 ans de prison et à la détention à perpétuité.

Sans eux, le génocide n’aurait pas été possible à Butare

Comme le rappelle le journal Le Monde, « Mme Nyiramasuhuko a comparu, depuis juin 2001, avec son fils Arsène Shalom Ntahobali, deux anciens préfets de Butare ainsi que deux anciens maires. Poursuivis pour crimes de génocide et crimes contre l’humanité, les six accusés font partie, selon le procureur, des principaux responsables des massacres de Tutsi à Butare, au sud du Rwanda, en 1994. »

Sans eux, « le génocide n’aurait pas été possible à Butare », a déclaré, à l’ouverture d’un long réquisitoire, le 20 avril 2009, Holo Makwaia. La magistrate tanzanienne avait ensuite particulièrement accablé l’ex-ministre.

« Pauline Nyiramasuhuko n’était pas seulement une grande figure ; elle a été impliquée dans les massacres et les viols qui ont été commis à Butare », a soutenu Mme Makwaia.

« Au lieu de protéger les familles comme le stipulait le mandat de son ministère, elle a décidé d’exterminer les familles », avait-elle poursuivi. « Shalom Ntahobali n’était pas loin de sa mère ; il a tué et violé », avait également accusé la représentante du procureur.

Pauline Nyiramasuhuko, la barbarie au féminin

Extrait : « Pauline Nyiramasuhuko, la barbarie au féminin »

"Au printemps de 1994, l’horreur est arrivée à Butare, une ville rwandaise tranquille, brûlée par le soleil. A l’époque, des escadrons de la mort hutus, armés de machettes et de bâtons surmontés de clous, brûlaient, tuaient et pillaient dans tout le pays. Des barrages installés sur les routes piégeaient les Tutsis en fuite, qui se faisaient alors massacrer. Pendant la troisième semaine d’avril, alors que le génocide atteignait son summum, des dizaines de milliers de cadavres pourrissaient dans les rues de Kigali, la capitale.

Butare - un bastion de Tutsis et de Hutus modérés qui avaient résisté aux ordres de génocide du gouvernement - était la prochaine cible. Ses habitants entendirent des coups de feu dans les collines de l’ouest ; la nuit, ils virent la lueur provenant des villages avoisinants en proie aux flammes. Des Hutus en armes ne tardèrent pas à se rassembler à la périphérie de la ville, mais les habitants paniqués de Butare ne se laissèrent pas faire.« (...) »Sur le stade, Pauline agitait les bras et observait sans rien dire les Interahamwe qui mitraillaient les réfugiés et leur lançaient des grenades. Les Hutus achevèrent les survivants à la machette. Cela dura une heure et se termina à midi. Pauline, raconta Mivumbi, resta jusqu’à l’arrivée d’un bulldozer qui commença à empiler les corps pour les enterrer dans une fosse voisine. Peu après, selon un autre témoin, Pauline se rendit dans un enclos où un groupe d’Interahamwe gardait 70 femmes et filles tutsies.

Pauline ordonna de brûler les femmes et ajouta : « Pourquoi ne les violez-vous pas avant de les tuer ? »

« Mais nous avions tué des gens toute la journée, et nous étions fatigués. Nous avons simplement mis l’essence dans des bouteilles et l’avons versé sur les femmes, puis on a mis le feu », indique ce témoin. A peu près au même moment, des Interahamwe arrivèrent à l’hôpital local où Rose, une jeune Tutsie, avait trouvé refuge. « Ils ont dit que Pauline leur avait permis de se faire les filles tutsies, qui étaient trop orgueilleuses, raconta-t-elle. Elle était ministre ; alors, ils ont dit qu’ils en avaient le droit. » Pauline avait fait comprendre aux soldats que le viol était une récompense".

(...) Lire la suite sur le site du Courrier International

L’agenda de « Madame Pauline »

[source : RFI, André-Michel Essoungou.]

Il y a, au-delà des mises en cause et des dénégations, l’agenda très compromettant de Pauline Nyiramasuhuko, présenté aux juges par le procureur et que sa défense a tenté, en vain, d’exclure des débats.

L’ancienne ministre y notait, au cours de l’année 1994, avec un souci du détail, divers évènements, ses rencontres et même des noms de victimes des massacres.

Un document explosif [à lire ci-dessous avec le visionneur Scribd] que l’accusation s’est fait un devoir d’éplucher devant les juges et sur lequel certains des co-accusés de « Madame Pauline » ont tenté de fonder leur irresponsabilité.


Pauline Nyiramasuhuko

Née dans une modeste famille du sud du Rwanda, Mme Nyiramasuhuko est entrée, après ses études primaires, à l’Ecole sociale de Karubanda dans sa région.

En 1986, alors quadragénaire, elle reprend des études sanctionnées par une licence en droit en 1990.

En avril 1992, elle est nommée ministre de la famille et de la promotion féminine dans le premier gouvernement multipartite.

Elle sera reconduite à ses fonctions en 1993, puis en 1994, pendant le génocide. Après la victoire militaire du Front patriotique rwandais (FPR), elle s’est réfugiée à Bukavu dans l’est de l’ex-Zaïre. C’est alors que les organisations internationales des droits de l’homme commencent à la mettre en cause.

Elle sera arrêtée au Kenya en juillet 1997 et transférée, pour jugement, au TPIR.

Sources :

Pauline Nyiramasuhuko, reconnue coupable de génocide au Rwanda, condamnée à perpétuité, Le Monde avec AFP le 24.06.11

Pauline Nyiramasuhuko témoigne pour sa défense, RFI, par André-Michel Essoungou, 13/09/2005.

Pauline Nyiramasuhuko, la barbarie au féminin, Courrier International, 14/11/2002.

Rwanda : une première femme condamnée pour génocide, Le Figaro, par Thomas Vampouille, 24/06/2011.

VIDEO : Rwanda : Prison à perpétuité pour Pauline Nyiramasuhuko, EuroNews, le 24.06.11

Les Agendas (documents du TPIR), site internet d’André Guichaoua.

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 24/06/2011

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