Répression sanglante des manifestants : des miliciens en renfort aux forces de l’ordre

La rédaction - 22/04/2010
Image:Répression sanglante des manifestants : des miliciens en renfort aux forces de l'ordre

TOGO
Lomé le 21 avril 2010

La contestation par le Front républicain pour l’alternance et le changement (FRAC) de la victoire de Faure Gnassingbé à l’élection présidentielle du 04 mars dernier a atteint son paroxysme ce mercredi 21 avril 2010 où Lomé, a vécu une guérilla urbaine et des exactions policières de tous ordres.

On se croirait en plein Bagdad ce mercredi midi. Les Forces de sécurité d’une part et les jeunes militants du FRAC de l’autre se sont affrontés à coups de cailloux et de gaz lacrymogènes pendant des heures dans les rues de Lomé. Ainsi, ce que les uns et les autres redoutaient en appelant les Forces de sécurité et les acteurs de la politique togolaise à la retenue a eu lieu.

En effet, depuis la proclamation des résultats de l’élection présidentielle passée, qui a connu la « victoire » très contestée du candidat du Rassemblement du peuple togolais (RPT), le FRAC et ses alliés ne font pas économie d’initiatives pour dénoncer ce qu’ils qualifient de « hold-up électoral » du pouvoir. Ainsi, en dehors des marches de protestation pacifiques que le FRAC organise à chaque fin de semaine, s’est ajoutée l’idée d’une veillée de prière à la bougie.

Si le parti au pouvoir donne l’impression d’accepter le principe de l’organisation des marches pacifiques dans le pays, il n’en est pas de même pour les « veillées de prières ». Trois veillées, trois incidents, dont les plus graves sont sans nul doute ceux d’hier. C’est là le sombre bilan occasionné par le refus obstiné du pouvoir de permettre la tenue de ces veillées du FRAC, en « violation systématique des lois républicaines », selon Jean-Pierre Fabre.

La première de ces veillées, organisée le mercredi 24 mars 2010 au siège de l’Union des forces de changement (UFC), a été interrompue par l’intervention des forces de l’ordre ; il eut ce jour plusieurs blessés graves et un gendarme sérieusement défiguré. La raison avancée par l’Officier Anité Bertin pour justifier la dispersion de la rencontre est l’attaque sur les lieux de la veillée d’un gendarme en service par des jeunes du FRAC. Passé cet incident, beaucoup ont cru que les futures veillées du FRAC seront moins mouvementées et plus acceptées par le gouvernement en place. Quelle ne fut alors leur surprise, lorsque les mêmes Forces de l’ordre, qui étaient intervenues la première fois, ont récidivé en effectuant une nouvelle descente sur le siège le mercredi 14 avril dernier lors de la seconde veillée organisée par le FRAC, emportant avec eux, des objets de valeur trouvés sur les lieux et, d’après les responsables de l’UFC, une somme de vingt-deux (22) millions de francs Cfa.

Hier mercredi 21 avril 2010, c’est la troisième fois qu’une veillée appelée par les responsables du FRAC est réprimée dans le sang et à coups de matraques. Pourtant, nous confie un responsable du Front, afin d’éviter des altercations avec les Forces Armées togolaises, le FRAC a décidé d’organiser sa veillée entre les quatre murs d’une l’èglise, l’Eglise Méthodiste Salem de Hanoukopé qui est légalement reconnue par l’Etat togolais, et en pleine journée. Mais cette garantie a semblé ne pas suffire aux autorités togolaises, les Forces de l’ordre vont boucler l’entrée de l’Eglise et interdire son accès aux participants venus à la cérémonie. Ceux-ci, de leur côté, refuseront de quitter les lieux, créant du coup, un attroupement monstre sur le Boulevard circulaire. Il régnait une atmosphère très tendue en face de la Bourse du Travail ce mercredi.

Pendant plusieurs heures, les jeunes du FRAC et les soldats placés sous les ordres du Commissaire Assih, se sont observés, invectivés, toisés, sans en venir aux mains. Mais tout d’un coup, les Forces de l’ordre, armées de bonbonnes de gaz lacrymogènes vont charger la foule, créant une débandade générale. La suite a été un échange de cailloux et de gaz lacrymogènes entre la police et les jeunes qui se sont spontanément organisés pour se défendre. Tous les quartiers du centre ville de Lomé ont été gagnés par cette guérilla urbaine. Houétrivikondji, Hanoukopé, Déckon, Bè et d’autres ont vécu un après-midi particulier fait d’explosions de gaz lacrymogènes et de fumée de pneus. « Nous voulons le changement, confie un jeune en colère, Faure n’a pas gagné cette élection, c’est pourquoi il a peur que Dieu entende les cris du peuple affamé et en colère lors des veillées. Sinon, pourquoi ont-ils tant peur des veillées de prières pour les ramener en plein midi et à la fin les interdire tout simplement ? ».

Des dizaines de blessés ont été transportés dans les cliniques de Lomé. Parmi ces blessés, un vendeur des produits Fan Milk de passage. Il a été pris à partie par les Forces de l’ordre qui l’ont sérieusement tabassé avant de le laisser pour mort.

Des témoins ont fait état de la présence des miliciens aux côtés des Forces de l’ordre lors de la répression. Ceux-là mêmes qui avaient fait parler d’eux en 2005 en procédant à des exécutions sommaires au sein de la population togolaise. Ils ont été observés en train d’apporter leur soutien à la police. Ils étaient remarquables à leur gabarit imposant, en tenue civile, tatouages tout le long du bras, des cordelettes en main pour certains. Outre ce fait, certains rapportent que des militaires de formation ont été vus en tenues de policiers parmi les Forces de sécurité sur le terrain. « J’ai vu un élément de la Garde présidentielle parmi les policiers, nous dit un passant, il était en uniforme de police alors que je le connais bien, c’est un élément de la garde présidentielle, un béret vert ».

Olivier Adja

Source : Liberte Hebdo Togo

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 22/04/2010

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