7 Juin 2011 : Hubert Védrine encore démasqué par Génocide Made in France
Mettre fin au « temps des chimères »...
Hubert Védrine, gardien de l’Inavouable
Lors du « petit-déjeuner » TerrEthique, le 7 juin, de 8h15 a 10h, à l’Académie d’Agriculture (18 rue de Bellechasse, Paris VII°), les membres de Génocide Made In France ont tenu a rappelé le rôle joué par Hubert Védrine dans le génocide des Tutsi du Rwanda, en 1994.
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Comme le rappelaient Jacques Morel et Georges Kapler, La Nuit rwandaise (Hubert Védrine, gardien de l’Inavouable [à lire ci-dessous]), Hubert Védrine, secrétaire général de l’Élysée de 1991 à 1995, a été un pivot essentiel du soutien aux auteurs rwandais et français d’une stratégie de guerre totale qui a mené au génocide des Tutsi, au Rwanda.
Cette politique a été pensée depuis l’Élysée par François Mitterrand et ses conseillers. Parmi ceux-ci, Hubert Védrine était l’un des plus proches de François Mitterrand, il en a été totalement solidaire et l’est resté.
En 1996 il écrit Les mondes de François Mitterrand (Fayard), une apologie de sa politique étrangère. « Ma conclusion, et ma conviction, écrit-il encore en 2004, sont que l’action de la France, hélas seule, a retardé le génocide jusqu’en 1994. »
Il a succédé à Roland Dumas en tant que président de l’Institut François Mitterrand qui organise des manifestations célébrant l’épopée mitterrandienne.
Alors qu’il intervenait ce 7 juin sur le thème « Les questions agricoles et alimentaires : contexte et enjeux géopolitiques », les membres du collectif dont le but est de mettre fin à l’impunité dont jouissent encore aujourd’hui les co-auteurs français du génocide des Tutsi du Rwanda l’ont publiquement interpelé :
Hubert Védrine, gardien de l’Inavouable
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Beaucoup des documents cités dans ce texte proviennent des archives personnelles de François Mitterrand déposées à l’Institut François Mitterrand dont Hubert Védrine est le président1.
Récemment la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) a opposé à Mme la juge Michon2 un avis défavorable à la déclassification de comptes-rendus de conseils restreints à l’Elysée de 1993 et de 1994 consacrés à la situation au Rwanda, dans un avis publié au Journal officiel (JO 14 décembre 2007).
Ces documents, qui font partie de ce fond d’archives, ont pourtant été mis à la disposition de Pierre Péan par l’Institut François Mitterrand et sans aucun doute à l’instigation d’Hubert Védrine pour rédiger Noires fureurs, blancs menteurs3.
Hubert Védrine serait donc coupable de divulgation de documents « secret défense ».
Au-delà du ridicule de cette situation, les auteurs signalent à leurs concitoyens ce scandale que des archives de l’exécutif français, relatives à des décisions extrêmement graves, ne soient pas mises dans le domaine public mais considérées comme la propriété de certains individus qui en ouvrent l’accès au gré de leurs besoins et de manière sélective4.
Hubert Védrine, secrétaire général de l’Élysée de 1991 à 1995, a été un pivot essentiel du soutien aux auteurs rwandais et français d’une stratégie de guerre totale qui a mené au génocide des Tutsi. Cette politique a été pensée depuis l’Élysée par François Mitterrand et ses conseillers. Parmi ceux-ci, Hubert Védrine était l’un des plus proches de François Mitterrand, il en a été totalement solidaire et l’est resté.
En 1996 il écrit Les mondes de François Mitterrand (Fayard), une apologie de sa politique étrangère. « Ma conclusion, et ma conviction, écrit-il encore en 2004, sont que l’action de la France, hélas seule, a retardé le génocide jusqu’en 1994. »5 Il a succédé à Roland Dumas en tant que président de l’Institut François Mitterrand qui organise des manifestations célébrant l’épopée mitterrandienne6.
Le 28 novembre dernier, devant le Cercle national des Armées, place Saint-Augustin, à Paris, Hubert Védrine était aspergé de peinture rouge – délébile – par une vingtaine de militants du groupe Génocide Made in France, au nom de sa complicité active dans le dernier génocide du vingtième siècle.
Signalons que l’ancien ministre a porté plainte pour violences avec préméditation contre les auteurs de cet acte symbolique.
La défense remarque qu’il aura omis de porter plainte pour diffamation.
1. Védrine-Mitterrand : une amitié fidèle née sous Vichy
Hubert Védrine est né le 31 juillet 1947 à Saint-Silvain-Bellegarde dans la Creuse7. Son père, Jean Védrine, aurait été membre de la Cagoule8. Pétainiste9, il rencontre François Mitterrand au commissariat de reclassement des prisonniers de guerres, à Vichy fin 1942. Jean Védrine devient, en janvier 1947, directeur adjoint du cabinet de François Mitterrand, ministre des Anciens combattants10. Sorti de l’ENA, Hubert Védrine est Chargé de mission au Ministère de la Culture de 1974 à 1979. Il entre à l’Élysée comme conseiller diplomatique à la présidence de la République de 1981 à 1986. Sous la première cohabitation il est nommé maître des requêtes au Conseil d’État de 1986 à 1988. Il revient à l’Élysée comme porte-parole de la présidence de la République de 1988 à 1991. Il est secrétaire général de la présidence de la République de 1991 à 199511. Il réapparaît en 1997 à 2002 comme Ministre des Affaires étrangères du Gouvernement Jospin de cohabitation. Depuis 2003, il préside l’Institut François Mitterrand.
Un fils ne saurait être rendu responsable des actes de son père, mais il paraît incontestable qu’Hubert Védrine a bénéficié des relations de celui-ci avec François Mitterrand, nouées à Vichy et poursuivies sous la IVe République, pour rentrer à l’Élysée en 1981. Hubert Védrine aurait fréquenté les Mitterrand dès le lycée. Tout ceci invite à penser qu’une parfaite entente régnait entre les deux hommes. Il faut ici rappeler le passé vichyste de François Mitterrand qui sut sentir tourner le vent12 et devint résistant mais qui, nommé ministre sous la IVe République, fit beaucoup pour atténuer les condamnations des cagoulards, pétainistes et antisémites qui sont restés ses amis13.
2. Hubert Védrine joue un rôle central
pendant le génocide
En tant que secrétaire général de l’Élysée, Hubert Védrine recevait toutes les informations destinées au Président Mitterrand et veillait à l’exécution de toutes les décisions qu’il prenait. En fait le secrétaire général est à la tête d’une sorte de cabinet parallèle au gouvernement où une trentaine de conseillers et chargés de mission suivent chacun les dossiers d’un ou plusieurs ministères ou traitent des questions du domaine réservé du Président. Ces collaborateurs, y compris le chef d’état-major particulier, dépendent du secrétaire général et n’ont habituellement pas un accès direct au chef de l’État. Toutes leurs notes destinées au Président sont visées par le Secrétaire général. Lors de la cohabitation à partir d’avril 1993 jusqu’en 1995, Hubert Védrine participait en plus au comité restreint à Matignon le mardi, présidé par le Premier ministre14. Il jouait un rôle de pivot du pouvoir exécutif dans les domaines où l’Élysée gardait ses prérogatives, c’est-à-dire, les affaires étrangères, l’ONU en particulier, l’armée et, bien sûr, le domaine réservé, les pays africains. Toutes les notes de la cellule africaine transitaient par lui et il établissait l’ordre du jour du conseil restreint15 :
À partir de 1991, Secrétaire général de la présidence de la République, il avait été en possession d’informations plus nombreuses, surtout lorsque celles-ci circulaient, par écrit, comme dans les notes de la cellule africaine ou de l’état-major particulier du Président de la République, qui transitaient en principe toutes par le Secrétaire général. Enfin, pendant la cohabitation, à partir d’avril 1993, les grands sujets diplomatico-militaires étaient traités par le conseil restreint qui se réunissait après le Conseil des Ministres. Ce conseil restreint était préparé le mardi après-midi chez le Premier Ministre. Son ordre du jour donnant lieu à concertation entre le Directeur du cabinet du Premier Ministre et le Secrétaire général de la présidence de la République, il s’est trouvé, en cette qualité, impliqué dans ces affaires plus directement qu’il n’était d’usage16.
Hubert Védrine a participé à tous les conseils restreints où ont été décidées les interventions militaires au Rwanda, même à celui du 4 octobre 1990 qui décide de l’opération Noroît, alors qu’il n’est à l’époque que porte-parole de la Présidence de la République. Il semblait déjà clair que son rôle réel auprès de François Mitterrand allait bien au-delà de cette fonction. En 1994, l’état de santé de François Mitterrand se dégradant17, l’importance du rôle d’Hubert Védrine s’est encore accrue18.
3. Hubert Védrine partage l’obsession
raciale des auteurs du génocide
La vision de Védrine sur le Rwanda est profondément biaisée par la pensée ethniste19. Selon lui, la vie politique au Rwanda s’articule autour de l’opposition entre deux groupes ethniques hutu et tutsi, les Hutu majoritaires s’étant affranchis du joug des aristocrates ou féodaux Tutsi. Ainsi il déclare lors de son audition par la Mission d’information parlementaire :
Le fait que M. Habyarimana fut hutu n’était pas choquant en soi, les Hutus représentant 80 % de la population. Dans ces conditions, pour quels motifs et dans quel but la France aurait-elle contribué à son remplacement ?20
Il insinue que la nécessité de partage du pouvoir « avec une infime minorité » ne s’imposait pas dans la mesure où le Président provenait de l’ethnie majoritaire :
M. Hubert Védrine a souligné que notre politique avait fait l’objet de critiques inverses de la part de ceux qui se demandaient si la France s’appuyant sur la « philosophie de La Baule » avait été bien inspirée de s’engager à ce point pour demander à un gouvernement hutu majoritaire de partager le pouvoir avec une infime minorité tutsi, de surcroît armée et venant de l’étranger.21
Il faudrait donc et il suffirait, selon Hubert Védrine, que le Président soit hutu pour justifier sa légitimité. Quelle conception a-t-il de la démocratie et de la légalité ?
On pourrait juger là que Hubert Védrine en est resté au bon vieux temps des colonies où le Blanc n’appréhendait les indigènes que sous l’aspect de races, de tribus, d’ethnies et jouait d’un groupe contre l’autre pour perpétuer sa domination établie grâce à la supériorité de ses fusils à répétition sur les fusils à pierre. C’est ainsi d’ailleurs que les colonisateurs belges et les missionnaires opérèrent au Rwanda en persuadant leurs auxiliaires d’administration, choisis parmi les Tutsi, qu’ils constituaient une race supérieure aux autres. Mais quand le vent des idées d’indépendance et d’émancipation vis-à-vis de l’Église catholique souffla sur l’élite dirigeante du Rwanda, le colonisateur, aidé des missionnaires, se fit soudain l’allié de l’“ethnie” méprisée d’hier et se targuant de l’esprit d’égalité et de justice sociale, persuada les Hutu qu’ils étaient exploités non pas par les colonisateurs européens, mais par les Tutsi. Ils s’ensuivit une vague de massacres de 1959 à 1963 dont les Tutsi furent victimes et c’est sur la base de ces massacres des Tutsi « exploiteurs » et « aristocrates » que s’est fondée la république hutu dont les Tutsi qui n’avaient pas fui le Rwanda étaient, sinon exclus, confinés dans un rang subalterne. Hubert Védrine se réfère à cette révolution qui s’est dite « sociale » mais qui a été une suite de massacres justifiés par cette idéologie raciale exportée par les Européens. Il s’y réfère pour la considérer comme ayant fixé un ordre institutionnel normal et légal, la république hutu.
L’argument que les Hutu forment 80 % de la population et l’expression « gouvernement hutu majoritaire » utilisée par Hubert Védrine font directement écho aux slogans de peuple majoritaire, rubanda nyamwinshi, diffusés par le journal Kangura et la radio des Mille Collines. Ces médias ont appelé « la nation hutu à se regrouper autour de l’idéal de l’ancien Parmehutu22, avec pour principal objectif la défense du peuple majoritaire contre l’ethnie qui a fourni l’ancienne classe féodale »23. Ces slogans ont été ceux du génocide. Quatre ans après et même encore aujourd’hui, Hubert Védrine y adhère toujours, c’est dire combien il est imprégné de l’idéologie des auteurs des massacres, combien lui, Mitterrand, ses collaborateurs et d’autres dirigeants français furent proches d’eux, au point qu’on peut se demander qui a influencé l’autre ...
Dans la même veine, questionné par Pierre Brana, M. Védrine ne se formalise pas de ce que l’armée rwandaise soit une armée mono-ethnique :
Pierre Brana : J’ai été très attentif à votre argumentation sur une invasion venant de l’étranger et sur les pressions exercées en faveur d’un partage du pouvoir. Reste que la France a formé des recrues rwandaises, les a entraînées militairement pour être des combattants. Or, on savait que toutes les recrues étaient hutu. Comme il existait déjà une menace de génocide, en formant toujours la même ethnie, on prenait position par rapport au génocide. Cela me préoccupe.
Hubert Védrine : On a formé l’armée au Rwanda. Ce n’est pas à la France de dire, pas plus au Rwanda qu’en Côte-d’Ivoire, qu’on va former ceux-ci et pas ceux-là. D’autant que les recrues hutues représentaient 80 % de la population. On a, ailleurs, formé des armées moins représentatives... Affirmer qu’en formant les recrues, nous avons “pris position par rapport au génocide”, c’est faux et injuste, ce serait aussi injuste que de dire que les États-Unis, qui ont formé des Ougandais qui eux-mêmes ont accompagné et encadré le FPR, ont ainsi soutenu les massacres que le FPR a commis dans le Kivu.24
Notons que Pierre Brana dit ici que les autorités française savaient qu’un génocide se préparait et qu’Hubert Védrine ne dément pas. Le recrutement presque exclusivement hutu de l’armée rwandaise est lié à son rôle qui n’a jamais été de défendre le territoire national contre une invasion étrangère mais de réprimer toute velléité des Tutsi, de l’intérieur comme de l’extérieur, à contester le régime politique qui depuis 1959 est fondé sur leur exclusion. Commentant ces propos d’Hubert Védrine, Gérard Prunier, africaniste, membre du secrétariat international du Parti Socialiste et membre de la cellule de crise du Ministère de la Défense pendant l’opération Turquoise, remarque que les dirigeants français partagent la philosophie politique du régime qui a produit le génocide :
S’agissant de M. Védrine, il a estimé qu’il était encore plus étonnant dans son témoignage du 5 mai lorsqu’il disait : « Habyarimana est Hutu, il représente donc au moins 80 % de la population » et qu’il ajoutait : « On se demande bien pourquoi il devrait partager le pouvoir avec l’infime minorité tutsi ». Supposant qu’à cette aune, n’importe quel président français représente 100% de la population, puisqu’il est français, il a fait observer que c’était là l’expression même de la pensée communautariste, c’est-à-dire de la philosophie politique qui sous-tendait le régime qui a produit le génocide. Il a ainsi conclu que lorsque les responsables français raisonnaient ainsi à propos des Rwandais, lorsqu’ils se laissaient intoxiquer par leur philosophie politique, ils entraient en fait dans la logique de leur esprit de discrimination interne et faisaient leur la pensée de type apartheid qui présidait au fonctionnement du régime rwandais. Précisant qu’ils n’agissaient certainement pas ainsi de propos délibéré, mais plutôt de façon involontaire, il a estimé que ce n’était pas pour autant plus excusable.25
Est-ce involontairement que Hubert Védrine et les dirigeants français font leur l’esprit d’apartheid ? Nous ne le pensons pas. Nous pensons même que les dirigeants français sont allés plus loin que les théoriciens de l’apartheid puisque ces derniers n’ont pas envisagé l’élimination d’une partie de la population noire d’Afrique du Sud. On peut aussi se demander qui des extrêmistes hutu ou des dirigeants français a intoxiqué l’autre.
Habyarimana est pour Hubert Védrine un homme de paix :
La réputation de M. Habyarimana était bonne à l’époque, le Rwanda était surnommé la Suisse de l’Afrique et son Président était considéré comme ayant réussi à apaiser les tensions, même si tout n’était pas réglé.[...] Le Président Habyarimana apparaissait comme l’artisan d’un apaisement du conflit entre Hutu et Tutsi aux yeux de la communauté internationale.26
Il est vrai qu’Habyarimana, en prenant le pouvoir, a fait cesser les massacres de Tutsi organisés par son prédécesseur, Grégoire Kayibanda, en 1973. La Mission d’information parlementaire, au contraire de Védrine, souligne le « caractère autoritaire, ethnique et raciste du régime rwandais » :
M. Juvénal Habyarimana n’a rien d’un élu du peuple, puisqu’il prend le pouvoir par un coup d’Etat, en juillet 1973.[...]
Tout d’abord sur un plan politique, le régime du Général Habyarimana n’a jamais été une démocratie. Le Président dirige le pays sans partage. Le caractère peu ouvert et moralisateur du pouvoir rwandais a suscité un mécontentement certain dans les villes. Chef du parti unique, Juvénal Habyarimana est aussi en même temps Chef de l’État et du Gouvernement.27
Hubert Védrine ne fait aucune allusion au régime d’exclusion qui règne sous Habyarimana, aux immatriculations ethniques sur les cartes d’identité, aux quotas ethniques restreignant l’accès des Tutsi à l’enseignement, aux fonctions publiques et dans l’armée, aux liquidations de personnalités avant 1990, à la dictature et à la corruption dont profite l’entourage présidentiel. Et bien sûr, il omet de parler des massacres sur lesquels s’est fondée la république hutu, massacres qu’Habyarimana a repris lors de l’incursion armée des exilés à partir de novembre 1990, en exerçant une forme de chantage sur les membres du FPR par le massacre de leurs familles restées à l’intérieur.
Suite au simulacre d’attaque de Kigali le 4 octobre 1990, dix mille personnes furent arrêtées parce que tutsi dans tout le pays en présence de deux compagnies de l’armée française sans que le parti socialiste, au pouvoir en France, ne s’en offusque. Il est vrai que le Président socialiste à l’époque était fidèle en amitié avec l’ancien secrétaire général de la police de Vichy, responsable des rafles et de la déportation de quelques 60 000 Juifs28. Cette allusion n’est pas gratuite. La Révolution sociale de 1959 au Rwanda, les pogromes, les rafles, les mentions ethniques sur les papiers officiels, les interdictions professionnelles ne sont pas sans rappeler la Révolution nationale que la France a connue sous Pétain.
4. Hubert Védrine justifie le soutien militaire
de la France à ce régime raciste
Avant de parler de soutien militaire de la France, rappelons que Habyarimana a accédé au pouvoir au Rwanda par un coup d’État en 1973. Il s’y est maintenu par le biais d’un parti unique (dont tout Rwandais hutu est membre dès la naissance) et par un quadrillage administratif très étroit de la population. Si les massacres de Tutsi ont cessé, les emprisonnements et assassinats d’opposants politiques ou de rivaux ne sont pas rares. L’ancien président Kayibanda et une cinquantaine de ses ministres et collaborateurs sont emprisonnés puis assassinés ou meurent des suites de mauvais traitements. La coopération française avec le Rwanda s’accroît avec l’arrivée d’Habyarimana essentiellement dans sa composante militaire, ceci dans le but de concurrencer l’influence belge. L’objet de cette concurrence ne se trouve peut-être pas tant au Rwanda qu’au Zaïre, ce pays au sous-sol extrêmement riche, déchiré par des guerres depuis l’indépendance en 1960.
Le rapprochement de deux phrases d’un texte d’Hubert Védrine résume d’une manière saisissante les débuts de la coopération de la France avec le Rwanda :
À l’indépendance en 1962, les Hutus se révoltèrent et massacrèrent un grand nombre de Tutsis. Ils mirent la main sur leurs richesses, leur bétail, et le pouvoir.[...] À l’indépendance, les Rwandais s’étaient tournés vers la France.29
On ne saurait mieux avouer les débuts d’une connivence criminelle, à ceci près qu’il ne semble pas que ce soit le Rwanda du président Kayibanda qui ait contacté la France mais celle-ci qui a voulu damer le pion aux Belges tant au Congo, en envoyant le colonel Trinquier au Katanga30, qu’au Rwanda et au Burundi.
Hubert Védrine adhère à la politique de François Mitterrand qui consiste à « offrir » aux pays africains une garantie de sécurité qu’il y ait accord de défense ou non :
Le Président François Mitterrand estimait que la France devait assumer un engagement global de sécurité à l’égard de ces pays, qu’il y ait accord de défense ou qu’il n’y en eu plus, comme au Tchad, d’une part parce que cette politique permettait aux pays africains de se contenter de budgets militaires très faibles et donc de consacrer plus de ressources à leur développement, d’autre part, parce que, dans ces régions toujours menacées par l’instabilité, il considérait que laisser, où que ce soit, un seul des régimes légalement en place être renversé par une faction, surtout si celle-ci était minoritaire et appuyée par l’armée d’un pays voisin, suffirait à créer une réaction en chaîne qui compromettrait la sécurité de l’ensemble des pays liés à la France et décrédibiliserait la garantie française.31
On ne saurait mieux décrire la relation de vassalité des États africains francophones vis-à-vis de la France qui perdure jusqu’aujourd’hui. Hubert Védrine omet juste de dire que cette généreuse protection permet aussi au Président français de choisir les dirigeants de ces pays et de les maintenir au pouvoir, au besoin par la force. L’affirmation que « cette politique permettait aux pays africains de se contenter de budgets militaires très faibles » est complètement fausse pour le cas du Rwanda où le pourcentage des dépenses militaires par rapport au montant total des recettes de l’État passa de 12 % en 1987 à 49 % en 1992, laissant, après le génocide, une dette insupportable pour l’État rwandais.32
Le 4 octobre 1990, accompagnant François Mitterrand dans le Golfe, Hubert Védrine participe au Conseil de défense restreint, à Ryad, qui décide l’intervention militaire française.33 L’attaque du FPR est considérée par Mitterrand et lui-même comme une agression extérieure vis-à-vis de laquelle la France se doit de réagir :
[...] il a expliqué que le Président Mitterrand avait jugé qu’on ne pouvait laisser un tel gouvernement être renversé par une action armée, venant d’un pays voisin qui avait sa propre stratégie diplomatique et militaire, sans mettre en cause la stabilité de la région et réveiller les graves antagonismes qui avaient marqué les indépendances.34
La qualification de ce conflit en agression extérieure est discutable. Certes les insurgés viennent d’Ouganda où ils ont leurs bases et leurs sources d’approvisionnement. Ils y bénéficient d’une certaine complaisance. Mais le FPR est formé de Rwandais victimes des pogromes de 1959-1963 et de 1973 et d’opposants à la dictature d’Habyarimana. Beaucoup, pour ne pas dire tous, ont de la famille au Rwanda, ce ne sont aucunement des étrangers mais bien des réfugiés à qui le droit au retour est systématiquement refusé.
En réalité les dirigeants français ont délibérément choisi de présenter le conflit comme une agression extérieure. Le 7 octobre 1990, l’ambassadeur Georges Martres décrit ainsi les deux options possibles et leurs conséquences, la réalité et sa manipulation :
OBJET : SITUATION AU RWANDA
L’APPEL TÉLÉPHONIQUE QUE JE VIENS DE RECEVOIR QUI A FAIT L’OBJET DE MON TD 510 INDIQUE QUE LE PRÉSIDENT HABYARIMANA NE SE SENT PAS CAPABLE DE MAÎTRISER SEUL LA SITUATION. L’AGRESSION À LAQUELLE IL EST CONFRONTÉ PEUT ÊTRE CONSIDÉRÉE COMME ÉTRANGÈRE DANS LA MESURE OÙ ELLE PROVIENT D’UN PAYS VOISIN QUI LUI FOURNIT LES ÉQUIPEMENTS MILITAIRES ET UNE PARTIE DES HOMMES.
D’UN AUTRE CÔTÉ, CETTE AGRESSION S’APPUIE SUR UN PROJET POLITIQUE D’UNITÉ NATIONALE DES TUTSI ET DES HUTUS QUI TOURNERAIT SANS DOUTE À UNE DOMINATION DES TUTSIS MAIS QUI AU COURS DES DERNIERS MOIS A BENEFICIÉ DE TOUS LES MÉCONTENTEMENTS PROVOQUÉS AU RWANDA PAR CE QUI EST CONSIDÉRÉ PAR BEAUCOUP COMME UN POUVOIR MONOPOLISTIQUE DES BASHIRU DE GISENYI (VOIR A CET ÉGARD MON TD NO 447 DU 5 SEPTEMBRE 1990).35
LE CHOIX POLITIQUE EST CRUCIAL POUR LES PUISSANCES OCCIDENTALES QUI AIDENT LE RWANDA ET NOTAMMENT LA BELGIQUE ET LA FRANCE.
OU BIEN ELLES CONSIDÈRENT AVANT TOUT L’ASPECT EXTÉRIEUR DE L’AGRESSION ET UN ENGAGEMENT ACCRU DE LEUR PART EST NÉCESSAIRE SUR LE PLAN MILITAIRE POUR Y FAIRE FACE.OU BIEN ELLES PRENNENT EN COMPTE L’APPUI INTÉRIEUR DONT BÉNEFICIE CE MOUVEMENT, MÊME S’IL N’A PU SE DÉVELOPPER QU’AVEC LE CONCOURS DE L’OUGANDA, ET MÊME S’IL CONVIENT DE PRÉVOIR QU’APRÈS LA PHASE APPARENTE DE L’UNION NATIONALE, IL ABOUTIRA VRAISEMBLABLEMENT À LA PRISE DU POUVOIR PAR LES TUTSIS OU TOUT AU MOINS PAR LA CLASSE MÉTISSE36 À LAQUELLE JE FAISAIS ALLUSION DANS MON TD CITÉ PLUS HAUT.
SI CE DEUXIÈME CHOIX ÉTAIT RETENU, UNE NÉGOCIATION DÉLICATE ASSORTIE DE PRESSIONS MILITAIRES S’IMPOSERAIT POUR GARANTIR LA SÉCURITE DE LA POPULATION EUROPÉENNE, AVEC LA PERSPECTIVE DE SUBSTITUER AUX DIFFICULTÉS PROVENANT DES ASSAILLANTS CELLES QUI RÉSULTERAIENT ALORS D’UNE ARMÉE NATIONALE RWANDAISE QUI SE SENTIRAIT ABANDONNÉE.
La thèse de l’agression extérieure du Rwanda par l’Ouganda n’est pas retenue par la commission d’experts de l’ONU38 ni même par la Mission d’information parlementaire française.39
Agression extérieure ou pas, qu’est-ce qui autorisait la France à intervenir dans ce conflit ? Rien, absolument rien. L’accord de 1975 n’était pas un accord de défense mais un accord de coopération pour la formation d’une gendarmerie. Nous verrons plus loin Hubert Védrine invoquer les accords de défense entre la France et le Rwanda dans le film “Tuez-les tous”. Il n’y avait aucun « engagement de sécurité » de la France à l’égard du Rwanda, à tel point que c’est toujours l’argument de la protection des ressortissants français qui est invoqué pour justifier l’intervention militaire française.40 Le général Quesnot, chef d’état-major particulier, le rappelle à François Mitterrand : « Aucun accord de défense n’a été conclu entre nos deux pays. »
Il se réfère pour justifier l’intervention aux habitudes françaises dans le « pré carré » : « L’aide militaire que nous avons fourni au Rwanda n’a ni plus ni moins de fondement juridique que celle que nous avons apporté au Tchad depuis 1969 ou au Zaïre en 1978. »41 Alors qu’il se réfère continuellement à la légalité en parlant de « régimes légalement en place », Hubert Védrine s’abstient de remarquer que l’intervention française n’était pas fondée en droit. C’était une intervention à caractère colonial.
Interviewé en 2006 il concède que « la question de la base juridique des interventions n’est pas très claire ». Mais il poursuit : « Quelle est-elle ? Il n’y a pas d’obligation stricte. Nous sommes dans un cadre bilatéral, où le président Habyarimana demande au président Mitterrand d’intervenir. Il décide du principe de l’intervention, ça ne contredit aucune règle. »42 Ainsi, pour M. Védrine, il n’y aurait aucune règle de droit, aucune convention internationale interdisant de soutenir un régime dictatorial et raciste qui va entreprendre d’exterminer une partie de sa population.43 Hubert Védrine ignore les implications de la Convention de l’ONU pour la prévention et la répression du crime de génocide, comme nous le remarquons plus loin. Il est clair sur un point, la solution militaire du problème primait sur la solution politique, elle vient d’abord, pour reprendre ses termes :
M. Hubert Védrine a décrit la politique menée à partir de 1990 comme un engagement à deux volets. D’abord, la sécurisation et ce, malgré les demandes incessantes du Président Habyarimana, non pas par un engagement direct mais par une politique de coopération et de formation militaires ; ensuite, une action politique et diplomatique incessante pour amener le régime rwandais à se transformer, à régler définitivement la question des réfugiés tutsi et notamment le problème des terres, à se libéraliser et à se démocratiser, dans la continuité des principes définis au sommet de La Baule.44
Nous savons qu’il y a eu engagement direct des militaires français notamment dans l’artillerie45 et les hélicoptères de combat46. Mais, fait beaucoup plus compromettant, l’armée rwandaise, « compte tenu de l’état de déconfiture dans lequel se trouvait l’état-major rwandais, incapable de matérialiser sur une carte la ligne de front et la position de ses troupes »47, était dirigée par des officiers français48. Ainsi la France a « de façon continue, participé à l’élaboration des plans de bataille, dispensé des conseils à l’état-major et aux commandements de secteurs, proposant des restructurations et des nouvelles tactiques. Elle a envoyé sur place des conseillers pour instruire les FAR aux maniement d’armes perfectionnées. Elle a enseigné les techniques de piégeage et de minage, suggérant pour cela les emplacements les plus appropriés »50.
L’implication des militaires français va plus loin que ce qu’il sont censés faire, au point que Bernard Cazeneuve, qui fut rapporteur de la Mission d’information parlementaire en 1998, observe en 2001 que les militaires français agissaient au Rwanda sans qu’on puisse déterminer de quelle autorité politique ils tenaient leurs ordres, suggérant par là que, parallèlement à des missions officielles et publiques, il y avait des missions secrètes et qui devaient le demeurer :
Bref, l’affaire du Rwanda faisait apparaître la latitude voire l’autonomie considérable laissée par l’autorité politique aux armées dans la définition de leurs tâches de coopération militaire. En l’occurrence, sous couvert d’assistance au détachement Noroît, une centaine de militaires français menaient quasiment des actions de guerre sans qu’on puisse clairement établir quelle autorité politique le leur avait précisément demandé.51
Pour autant que nous en sachions, l’envoi ou le retrait de troupes au Rwanda est toujours soumis à l’accord de l’Élysée52. Le remplacement en avril 1993 du général Varret par le général Huchon à la tête de la Mission militaire de coopération, peut-être motivé par un conflit sur le rôle du DAMI53, a été fait avec l’assentiment de l’Élysée et du gouvernement.
Quant à la démocratisation, il s’agit dans l’esprit d’Hubert Védrine de la démocratisation entre Hutu, vu que les Tutsi sont exclus de la vie politique54. Sa conception de la démocratie est compatible avec les mentions ethniques sur les cartes d’identité et les quotas ethniques, autant de dispositions réglementaires institutionnalisées, de nature raciste, qu’il ne remet pas en cause55. L’adhésion des dirigeants français au credo raciste a été telle que la France par la bouche de Marcel Debarge est intervenue les 27 et 28 février 1993 en faveur d’un Front commun entre le Président et le gouvernement d’opposition56 qui était un front commun hutu contre le FPR, formule qui fut couronnée de succès et devint le Hutu power, coorganisateur du génocide avec le MRND57, ex-parti unique et la CDR58. Les déclarations de Debarge avaient été préparées à l’Elysée59.
Hubert Védrine ne tient pas grief au régime rwandais pour toutes les exactions, tous les massacres que celui-ci perpètre. Il veut faire croire que ces massacres ont pour cause les attaques du FPR. Il poursuit sa défense de la politique française lors de son audition de 1998 en révélant sa conception toute particulière de la démocratie :
L’idée directrice était que le Rwanda, bien que le régime en place y soit l’émanation d’une immense majorité, ne pourrait échapper au cycle des massacres si n’intervenait pas un accord politique pour le partage du pouvoir entre les partisans du Président, qui représentait d’abord les Hutu du nord, l’opposition, représentée par les Hutu du sud, d’autres opposants internes, notamment les Tutsi de l’intérieur et même l’opposition armée des Tutsi de l’extérieur organisée au sein du FPR. Sur ces bases, l’action de la diplomatie française a consisté à mettre « les mains dans le cambouis », pour rester en contact permanent avec toutes les parties et les amener, en dépit de leurs résistances initiales, à accepter la conclusion d’un accord politique.60
La phrase « bien que le régime en place y soit l’émanation d’une immense majorité » laisse entendre que ces négociations avec les opposants ne sont pas vraiment nécessaires. Le « bien que » et l’expression « immense majorité » renvoient, encore une fois, aux slogans des extrémistes sur le peuple hutu majoritaire. Pour lui les Tutsi de l’intérieur sont tous dans l’opposition au régime d’Habyarimana, parce qu’ils sont tutsi. Reconnaît-il par là implicitement que le régime rwandais était fondé sur l’exclusion des Tutsi et que ceux-ci ne peuvent qu’y être opposés ? Par quel miracle le soutien à un tel régime aboutirait-il à sa démocratisation ?
5. Védrine nie le soutien de la France aux extrémistes de la CDR, du MRND et du Hutu Power
Il reconnaît que, à la conférence de Dar-es-Salam le 6 avril 1994, Habyarimana avait accepté d’exclure la CDR des institutions de transition61 :
[...] lors de l’attentat, le Président Habyarimana venait de faire une dernière concession en acceptant d’écarter la CDR, c’est-à-dire les Hutu les plus extrémistes, du Gouvernement.62
Il ne retient pourtant pas cette exclusion comme une cause possible de la mise à mort de Habyarimana63. Il qualifie la CDR d’extrémiste mais il n’explique pas pourquoi elle avait tant les faveurs des dirigeants français. Il nie ce soutien en affirmant que « la politique française n’a donc pas eu pour objet caché, ou même pour conséquence, de favoriser les extrémistes mais, bien au contraire, d’encourager le Président Habyarimana à résister à leurs injonctions »64. Il prétend que la politique française exaspérait les extrémistes. C’est totalement faux, ils l’appréciaient au contraire, sinon pourquoi l’ambassadeur de France, Georges Martres, affirme-t-il dans un télégramme du 11 mars 1993 qu’il « restera au CDR à se trouver un autre chef qu’un président usé par vingt années de pouvoir »65 ? Pourquoi les Nahimana, Mugenzi, Casimir Bizimungu et autres organisateurs des massacres se sont-ils retrouvés à l’ambassade de France le 7 avril 1994 ? Pourquoi Jean-Bosco Barayagwiza, l’idéologue de la CDR, est-il invité à Paris le 27 avril en plein génocide ? Védrine esquive la question de Paul Quilès66 à propos de la lettre de remerciement de Bruno Delaye à Jean-Bosco Barayagwiza, dirigeant de la CDR, pour l’envoi d’une pétition de soutien à la politique de la France.67
6. Hubert Védrine était bien informé de ce qui se tramait
Hubert Védrine était exceptionnellement informé de ce qui se tramait avant avril 1994. Il savait que certains étaient prêts à tout pour s’opposer à la mise en oeuvre des accords de paix. C’est lui qui aurait déclaré : « L’accord d’Arusha a mis le feu aux poudres »68. Mais la duplicité d’Hubert Védrine apparaît quand, pour défendre Mitterrand d’avoir soutenu le régime Habyarimana jusqu’au bout, il confie en 2005 : « Avec le processus d’Arusha que nous avons imposé, le régime avait perdu une grande partie de son pouvoir. »69
Quelle a été la politique de François Mitterrand et du général Quesnot au Rwanda d’août 1993, date de la signature des accords, à avril 1994 ? Des analystes disent qu’il y avait plusieurs politiques contradictoires, à l’Élysée, à Matignon, au quai d’Orsay, rue Monsieur et rue St Dominique. Mais à en croire l’ambassadeur Martres, la politique française au Rwanda se faisait à l’Élysée chez le général Quesnot, chef d’état-major particulier70. Mettant bout à bout ces deux phrases d’Hubert Védrine cette politique se résumerait à ceci : la France a imposé le processus d’Arusha qui a mis le feu aux poudres.
Serait-ce un commencement d’aveu qu’un plan de mise à feu avait été élaboré ? Visiblement Hubert Védrine en sait plus qu’il n’en dit. La France aurait-elle donc pratiqué à ce moment-là la politique de deux fers au feu ? Mais d’une part en soutenant mollement les accords de paix71 et, d’autre part, en continuant à fournir un entraînement, des armes et des munitions à l’armée rwandaise et en continuant à appuyer les plus extrémistes, la France attisait le feu. Des signes montrent que la France était prête à lâcher Habyarimana.72
7. Dès le 8 avril, Hubert Védrine savait que le génocide des Tutsi était déclenché
Dès l’annonce de l’attentat contre l’avion du Président Habyarimana, Hubert Védrine savait que des massacres allaient s’ensuivre. Il a rapporté à la mission d’information parlementaire le commentaire du Président François Mitterrand lui disant le jour de l’attentat du 6 avril « cela va être terrible »73.
En 2006, il précise à Gabriel Périès : « Il n’a rien ajouté d’autre. Mais je connaissais le raisonnement derrière. Depuis 1990, Mitterrand était convaincu que ce serait un massacre général. Jamais les Hutu ne laisseraient les Tutsi revenir au pouvoir comme ça. Attention, il ne faut pas refaire l’histoire à l’envers. Personne n’avait anticipé le génocide, mais... Mitterrand avait la hantise des massacres importants. »74
Si telle était la hantise de Mitterrand, c’est qu’il était bien conscient du risque de génocide.75 Il pense même que les accords d’Arusha, qui accordent cinq portefeuilles ministériels au FPR, rendent ce génocide inéluctable, puisqu’il dit ici selon Hubert Védrine : « Jamais les Hutu ne laisseraient les Tutsi revenir au pouvoir comme ça. »
Pourquoi alors avoir armé les Hutu ? Pourquoi avoir continué à envoyer des armes après la signature des accords de paix76 ? Il n’y a qu’une explication possible, c’est qu’une « guerre totale » à un ennemi défini comme étant les Tutsi et ceux qui les soutiennent avait été froidement mise en oeuvre à l’Élysée tout en sachant les conséquences terrifiantes d’une telle politique. La perspective du génocide des Tutsi aurait été froidement envisagée à l’Élysée. Matignon, quoique moins bien informé sur le Rwanda, en porte aussi la responsabilité. Le soutien des accords d’Arusha n’aurait été qu’une attitude de façade.
À la première réunion de crise qui se tient le 7 avril au Quai d’Orsay, le général Huchon déclare qu’il va y avoir de 50 000 à 100 000 morts77. Dès le 8 avril, les dirigeants français, dont Hubert Védrine, savaient qu’un génocide était déclenché. En effet l’ordre d’opération Amaryllis, rédigé le 8 avril, reconnaît implicitement que le génocide des Tutsi est déclenché :
OBJ/OPÉRATION AMARYLLIS
TXT
PRIMO : SITUATION :
POUR VENGER LA MORT DU PRÉSIDENT HABYARIMANA, DU CHEF ET DE L’ADJOINT DE LA SÉCURITE PRÉSIDENTIELLE TUÉS DANS L’ÉCRASEMENT DE L’APPAREIL SURVENU LE 6 AVRIL AU SOIR, LES MEMBRES DE LA GARDE PRÉSIDENTIELLE ONT MENÉ DÈS LE 7 MATIN DES ACTIONS DE REPRÉSAILLES DANS LA VILLE DE KIGALI :
ATTAQUE DU BATAILLON FPR,
ARRESTATION ET ÉLIMINATION DES OPPOSANTS ET DES TUTSI,
ENCERCLEMENT DES EMPRISES DE LA MINUAR78 ET LIMITATION DE SES DÉPLACEMENTS79
Que signifie « arrestation et élimination des Tutsi » sinon la mise à mort des Tutsi parce qu’ils sont tutsi. C’est la définition du génocide. Ces quelques phrases témoignent aussi du rôle, dans le déclenchement des massacres, de la garde présidentielle rwandaise, particulièrement favorisée par la coopération militaire française. Elles prouvent que le bataillon du FPR a été attaqué par la Garde présidentielle et non l’inverse.
Hubert Védrine ose avancer que ces massacres ne seraient devenus un génocide que plus tard :
M. Hubert Védrine a alors constaté que l’attentat avait jeté à bas cette construction, émis l’idée que, quels qu’en soient les auteurs, c’était sans doute son but, et qu’ensuite avaient commencé les massacres, de plus en plus démesurés jusqu’à devenir un génocide.80
Hubert Védrine semble ignorer ici ce qu’est un génocide. Selon la définition du génocide adoptée par l’ONU en 1948 ce n’est pas la démesure des massacres qui en fait un génocide, mais l’intention de détruire ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel.81
Il a été démontré par le Tribunal pénal international pour le Rwanda et par d’autres, comme la Mission d’information parlementaire de 1998 en France, que cette intention de détruire n’a pas été le fait de quelques tueurs mais qu’elle a été le projet politique planifié et préparé par l’État rwandais. Nous savons que la France n’a pas cessé de coopérer avec cet État criminel.
Dire, comme le fait Hubert Védrine, « qu’ensuite avaient commencé les massacres, de plus en plus démesurés jusqu’à devenir un génocide » c’est laisser croire que les massacres sont apparus comme par génération spontanée. C’est affirmer que les massacres ont éclaté indépendamment de la volonté des responsables politiques et militaires rwandais. C’est nier qu’il y a eu planification avant le 6 avril 1994 et, après, mobilisation de tout l’appareil d’État pour éliminer les Tutsi. C’est encore une fois nier les faits réels et leur ordre de succession dans le temps.
8. Védrine élude la reconnaissance par
la France du gouvernement qui exécute le génocide
À la question pourquoi la France a été la seule à reconnaître le gouvernement intérimaire rwandais, Hubert Védrine répond lors de son audition :
Le vrai problème n’est pas la question de la légitimité ou de l’illégitimité, qui ressort d’un formalisme démocratique non pertinent dans le contexte de l’époque. Il a rappelé que la France, alors isolée, tentait de négocier un cessez-le-feu dans une situation où l’on assistait parallèlement à la campagne militaire du FPR pour conquérir le pays et à la poursuite des massacres.82
Le processus démocratique ne serait qu’un formalisme ? Il ne serait pas pertinent dans le contexte de l’époque ? Monsieur Védrine reconnaît donc qu’il y a eu un coup d’État. Quel était ce contexte ? Le président a été tué dans un attentat le 6 avril 1994 au soir. Madame le Premier ministre a été assassinée le matin suivant, le 7, par des militaires à 300 mètres de l’ambassade de France qui ne lui a pas proposé de protection mais qui, par contre, va accueillir nombre de ministres de ce gouvernement issu du coup d’État. Jean-Michel Marlaud, l’ambassadeur de France, voit de ses fenêtres les militaires rwandais équipés de blindés français tirer sur les casques bleus. Il laisse faire. Vers seize heures avec l’attaché militaire adjoint il rencontre le colonel Bagosora qui semble orchestrer les massacres83. Ils lui conseillent vraisemblablement de masquer ce coup d’État militaire en formant très rapidement un gouvernement civil. Tout semble montrer que les Français sont de mèche avec les putschistes et les assassins. C’est pourquoi Monsieur Védrine préfère passer à un autre sujet.
Le parallélisme qu’Hubert Védrine voit entre la campagne militaire du FPR et les massacres n’a pas existé. Il voudrait faire ignorer la genèse des événements. Il y a eu en réalité et dans cet ordre, d’abord des massacres ciblés perpétrés dès l’aube du 7 avril par trois unités où des coopérants militaires français sont présents, la garde présidentielle, le bataillon para-commandos et le bataillon de reconnaissance84, puis la formation de ce gouvernement, à la suite de l’assassinat des personnalités politiques favorables aux accords de paix. Ce qui s’appelle un coup d’État.
La France fait plus que reconnaître ce pseudo-gouvernement puisque son ambassadeur contribue à sa formation85. La constitution de ce gouvernement est une violation des accords de paix. D’une part le Premier ministre n’est pas celui prévu par les accords86 et aucun portefeuille n’est attribué au FPR qui n’a pas été invité aux discussions87. Il a été clair dès le début que ce gouvernement n’avait aucune intention de faire cesser les massacres, bien au contraire.
Le bataillon du FPR stationné au CND en sort le 7 avril vers seize heures parce qu’il est attaqué88 et pour faire cesser les massacres qui se déroulent devant lui, massacres que la MINUAR est dans l’incapacité d’arrêter89. Le FPR est le seul à affronter les tueurs dès le 7 avril à 16 heures. Il est le seul à respecter les obligations de la Convention de 1948 contre le génocide comme le reconnaît implicitement la Mission d’information parlementaire française90. Le démarrage effectif de l’offensive du FPR n’intervient que le 10 avril dans l’après-midi et non pas le 6 avril au matin comme certains l’affirment.91
À entendre Hubert Védrine, plus rien n’était pertinent à l’époque. Nous observons que, face au déclenchement du génocide, le FPR respecte les obligations de la Convention de l’ONU contre le génocide. La force de l’ONU, elle, ne fait rien contre les massacres. La France, bien informée d’un plan de génocide, ne fait pas intervenir ses soldats contre les tueurs. Au contraire elle va les aider, en particulier en intervenant au niveau international pour un cessez-le-feu, c’est-à-dire pour arrêter l’action armée du FPR et non pour arrêter les massacres organisés par le gouvernement intérimaire. Il nous semble que seule l’action du FPR a été pertinente.
Interviewé dans le film “Tuez les tous” Hubert Védrine reconnaît que, après l’attentat du 6 avril, cela paraît être une erreur de ne pas avoir pris en compte les massacres :
Donc il y a une situation dans laquelle on se dit, bon, il y a les massacres qui se sont développés à l’intérieur dès l’assassinat des deux présidents dans l’avion. Mais par ailleurs le FPR et l’Ouganda essaient d’en profiter pour envahir le pays. Donc il peut y avoir des responsables français notamment militaires à l’époque qui aient vu le deuxième aspect. Je ne sais pas, avec le recul, ça paraît une erreur ça. Une erreur dans cette petite période.92
Interrogé en 2005, Hubert Védrine élude toujours les questions sur la reconnaissance par la France d’un gouvernement dont la composition violait l’accord de paix d’Arusha :
Laurent Arnauts :
Ce qu’on reproche également à la France, c’est que le gouvernement intérimaire constitué après l’assassinat du président ne reflétait pas du tout la logique de partage du pouvoir d’Arusha. Vous y voyez une responsabilité ?Hubert Védrine :
Il ne faut pas surinterpréter cet épisode, ces décisions ont été prises en quelques jours dans une situation de panique. A l’époque la France et la Belgique, qui à ce moment-là ont retiré l’essentiel de leurs troupes, se retrouvent en porte à faux. La Belgique retire d’ailleurs celles qui restaient après l’assassinat des dix casques bleus belges. La France est à l’époque en pleine cohabitation [...] Elle commence très vite à demander à ses partenaires du Conseil de sécurité de l’ONU l’envoi d’une force d’interposition dès que possible. Elle rencontre le désintérêt le plus total ou le refus d’y aller.93
Hubert Védrine voudrait oublier et nous faire oublier cet épisode, ces journées du 7 au 9 avril où les massacres commencent et où la machine du génocide se met en place avec la formation du gouvernement intérimaire. C’est ce gouvernement, en effet, qui met en oeuvre le plan d’extermination d’au moins un million de personnes94. Sur vingt et un ministres de ce gouvernement formé sous les auspices du Colonel Bagosora et de l’ambassadeur de France, dix sept sont accusés de génocide par le TPIR95.
Non seulement Hubert Védrine escamote le rôle de la France dans la formation de ce gouvernement mais il cache que les 464 soldats français qui débarquent le 9 avril à Kigali, jour de la prestation de serment du gouvernement intérimaire, ont ordre de ne pas arrêter les massacres et ne collaborent pas pour cela avec les casques bleus96. De plus la France fait ce qu’il faut pour que l’effectif des troupes que la Belgique envoie soit réduit au minimum afin de ne pas déplaire aux autorités rwandaises97. Les troupes belges arrivent le 10 avril mais sont bloquées à l’aéroport le 10 et le 11 avril. Les militaires français d’Amaryllis partent le 13 avril avant les soldats belges, abandonnant les Tutsi aux tueurs98. Donc quand le gouvernement intérimaire prête serment le 9 avril la France n’a pas retiré ses troupes comme veut le faire croire Védrine. Au contraire elles arrivent.
9. La France aurait fait appel à l’ONU
dès le début des massacres
Hubert Védrine veut faire croire que la France a fait appel à l’ONU dès le début des massacres :
Le Ministre des Affaires étrangères a évoqué la réflexion engagée ces dernières années sur la notion du droit ou du devoir d’ingérence. Il a souligné que les problèmes posés par une intervention extérieure ne sont pas seulement juridiques mais pratiques. Ainsi, la France s’est-elle tournée, au début des massacres au Rwanda, vers l’ONU car elle ne pouvait pas agir sans mandat ; or, les membres du Conseil de Sécurité n’ont pas répondu à son appel, non par indifférence, mais chacun pour des raisons qui lui étaient particulières : géopolitiques, politiques ou financières.99
Il ne s’agit pas d’un lapsus ou d’une erreur de transcription car Hubert Védrine réitère la même affirmation mensongère en 2004, qui plus est, en se défaussant sur un autre pays :
Dès les premiers jours la France saisit le Conseil de sécurité pour que soit envoyée d’urgence une force d’interposition. Mais aucun pays ne répondit. Les États-Unis, échaudés par leur dix-huit tués en Somalie, bloquèrent tout engagement.100
La France ne s’est pas tournée « au début des massacres » vers l’ONU. Au contraire, les militaires français présents à Kigali n’ont pas levé le petit doigt pour empêcher l’armée rwandaise de menacer les casques bleus avec des automitrailleuses fournies par la France et n’ont rien fait pour empêcher la mise à mort des dix casques bleus belges, le matin du 7 avril au camp « Kigali » où se trouvaient des coopérants militaires français101. L’opération Amaryllis d’envoi de parachutistes pour évacuer les ressortissants français a été organisée à l’insu de l’ONU et sans coordination avec elle, comme le révèle une note du 8 avril du général Quesnot à François Mitterrand102. La France se refusera à coopérer avec la MINUAR et les Belges pour stopper les massacres. L’ambassade de France a même fait courir le bruit que c’était des Belges de la MINUAR qui avait commis l’attentat contre le Falcon présidentiel103. Par ailleurs la France a manoeuvré pour faire partir le général Dallaire104. Enfin, elle vote le 21 avril au Conseil de sécurité la résolution 912 qui diminue les effectifs de la MINUAR de 2500 à 270. Cette réduction assure les tueurs de l’impunité et encourage le gouvernement intérimaire à étendre les massacres à toutes les régions qu’il contrôle. La France a plutôt tout fait pour que l’ONU parte et que les massacres puissent se dérouler sans témoins étrangers.
Ce n’est que vers le 13 mai, un mois après le début du génocide, que la France demande un renforcement de la MINUAR. Elle réclame même que celle-ci puisse agir sous le chapitre VII105. À cette date, l’essentiel des massacres a été accompli. Mais les amis de la France sont militairement en mauvaise posture, chassés de l’est du pays par les troupes du FPR qui ne trouvent plus que des cadavres. Comme le dit si bien Védrine plus haut, la France demande à l’ONU l’« envoi d’une force d’interposition ». Il rappelle ainsi la position diplomatique de la France qui demandait des casques bleus pour s’interposer entre d’une part le FPR et d’autre part l’armée gouvernementale les milices et les groupes d’auto-défense. En somme, la France demandait à l’ONU d’arrêter l’offensive du FPR contre ceux qui perpétraient le génocide.
10. Le projet de partition du Rwanda
Pour empêcher la prise du pouvoir par le FPR, voyant que l’avancée de ses troupes est irrésistible, la France échafaude alors un projet de partition du Rwanda. Hubert Védrine dans une note manuscrite à François Mitterrand évoque le projet d’Alain Juppé de réunir une conférence internationale pour imposer une répartition territoriale entre protagonistes :
D’autre part, Alain Juppé constatant que les Russes proposent aussi maintenant une conférence internationale, propose d’en faire une proposition franco-russe. M. Juppé pense aussi qu’Américains, Russes et Européens devraient maintenant dicter une solution aux protagonistes à partir des pourcentages acceptés en décembre et trancher également, si la conférence internationale se réunit, la répartition territoriale. Je pense sur ce point que même si la conférence internationale se réunit, États-unis, Russes et Européens prendraient un grand risque en traçant eux-mêmes les frontières futures des communautés. Par contre ils pourraient mettre en demeure les protagonistes de se mettre d’accord sur une carte dans un délai précis, avant d’assumer eux-mêmes ces responsabilités.106
Hubert Védrine montre là, par sa volonté de figer géographiquement un antagonisme prétendument ethnique, à quel point la dimension politique du conflit lui semble totalement étrangère.
10.1 L’obsession du Tutsiland
Par ailleurs cet argument en faveur d’une partition est contradictoire avec l’attachement revendiqué par la France pour l’intégrité territoriale du Rwanda. Cette question de la partition du Rwanda reste apparemment sans suite. Cependant, les décideurs français, le général Quesnot et l’amiral Lanxade, brandissent sans cesse la menace d’un Tutsiland qui s’étendrait de l’Ouganda au Burundi sans discontinuité.107
10.2 Un Hutuland purifié de tout Tutsi
Et pour contrer cette menace, les mêmes vont défendre « le pays hutu », expression abondamment utilisée dans les textes officiels, par les militaires et les journalistes français108. La constitution de ce « Hutuland » ne va pas aller sans l’élimination des « infiltrés », en réalité des Tutsi ayant échappé aux massacres. Ce qui conduit à l’invention abondamment médiatisée fin juin d’une prétendue offensive du FPR visant à couper la zone gouvernementale en deux et d’une infiltration de combattants tutsi109. Ceci mènera à Bisesero où l’armée française du 26 au 30 juin a laissé faire ou participé au massacre des derniers survivants tutsi.
11. Védrine justifie l’accueil des génocidaires
à Paris le 27 avril
À la question de Bernard Cazeneuve sur le « contact, évoqué par la presse, du 27 avril 1994 entre le Ministre des Affaires étrangères du gouvernement intérimaire rwandais et des responsables politiques français, à l’Hôtel Matignon », Hubert Védrine répond :
que les contacts entre la France et tous les protagonistes s’étaient poursuivis durant quelques semaines après le début des combats, aussi longtemps que demeurait l’espoir de conclusion d’un cessez-le-feu. Les contacts tous azimuts – avec les Hutus, le FPR, l’Ouganda, les autres pays africains – ne doivent pas être considérés isolément, sous peine de fausser l’analyse.110
Il est clair dans cette réponse que les massacres ne sont pas le souci premier du secrétaire général de l’Élysée. Bernard Cazeneuve et Hubert Védrine s’abstiennent d’évoquer la présence à Paris ce 27 avril 1994 du dirigeant CDR Jean-Bosco Barayagwiza, un des principaux idéologues et organisateurs du génocide111. Hubert Védrine ne donne aucun détail sur cette visite. Nous ne savons pas s’il était présent. Il est très probable qu’il a participé à son organisation.
Interrogé dans le film “Tuez les tous” sur cette rencontre, Hubert Védrine reconnaît qu’il aurait mieux valu l’éviter mais qu’il n’y avait pas d’autres interlocuteurs puisqu’il était hors de question de parler au FPR :
Politiquement, il est clair avec le recul, qu’ils auraient mieux fait de s’abstenir de ces contacts. Mais j’imagine que, dans le feu de l’action... Et qu’est-ce qu’il y a comme autre responsable au Rwanda à l’époque ? Recevoir le FPR à ce moment-là, c’est reconnaître que, en Afrique, on peut changer un régime par une opération militaire montée depuis un pays étranger. C’est exactement ce que la France essaie d’empêcher depuis des décennies.112
Ici Hubert Védrine nous montre que l’obsession des responsables français pour conserver leur « pré-carré », version moderne de l’Empire colonial, est telle, qu’ils préfèrent le génocide plutôt que le renversement d’un gouvernement raciste et dictatorial mais pro-français. Certes à l’époque, ils ne pensent pas en terme de génocide, ils ont réussi à empêcher le Conseil de sécurité d’employer le mot « génocide »113, et ils savent que le rééquilibrage militaire qu’ils préparent permettra des négociations entre le gouvernement intérimaire et le FPR qui empêcheront la qualification des massacres en génocide.
Les contacts entre le gouvernement français et le gouvernement intérimaire rwandais n’ont pas cessé après le 6 avril 1994. Mise en place du nouveau gouvernement avec l’aide de l’ambassade de France au milieu des massacres, cadeaux en armes et munitions des troupes françaises d’Amaryllis, maintien de quelques militaires français au Rwanda jusqu’au retour des troupes françaises114, appel téléphonique du Président Sindikubwabo le 4 mai115, entretiens Rwabalinda-Huchon du 9 au 13 mai 1994, intervention de Bruno Delaye auprès de l’état-major des FAR pour empêcher une attaque de l’hôtel Mille collines116, envoi du capitaine Barril pour reconstituer des commandos d’action sur les arrières du FPR (CRAP117), mission Kouchner du 12 au 16 mai visant à faire croire que le gouvernement rwandais n’est pas l’organisateur des tueries, remerciements du Président Sindikubwabo à François Mitterrand le 22 mai 1994 pour « le soutien moral, diplomatique et matériel que Vous lui [au Rwanda] avez assuré depuis 1990 jusqu’à ce jour », 2e mission de Kouchner à Kigali118 le 17 juin pour négocier l’envoi de soldats français à Kigali, nomination de Yannick Gérard comme représentant français auprès du gouvernement intérimaire à Gisenyi, les contacts n’ont pas cessé jusqu’à la fuite du gouvernement intérimaire rwandais au Zaïre le 17 juillet et même au-delà.
Mme Allison Des Forges reconnaît que d’autres gouvernements eurent aussi des contacts avec le gouvernement intérimaire, mais des contacts plus discrets. Cet appui officiel de la France répondait, selon elle, à la volonté de donner une respectabilité à ce gouvernement vis-à-vis de la communauté internationale :
Si les responsables français choisirent de garder le contact de manière aussi visible avec le gouvernement génocidaire, ils le firent en ayant pleinement conscience du message politique qu’ils transmettaient. Cela rendait le génocide respectable à Paris, ses partisans au Rwanda étaient encouragés et le gouvernement intérimaire disposait ainsi d’un levier lui donnant accès à d’autres capitales étrangères.119
12. La fourniture d’armes aux génocidaires par la France
Hubert Védrine reconnaît que la France a livré des armes après le début des massacres d’avril 1994. À la critique que « des livraisons d’armes ont continué après le début des massacres », il répond :
[...]les dernières livraisons d’armes à l’armée rwandaise contre l’offensive ougando-FPR ont continué quelques jours après le début des massacres, mais bien sûr ceux-ci n’ont pas eu lieu avec des armes françaises.120
Dès le 8 avril, les dirigeants français, dont Hubert Védrine, savaient qu’un génocide était déclenché. Hubert Védrine savait donc que ces livraisons d’armes étaient destinées à des forces qui massacraient les Tutsi comme tels.121
M. Hubert Védrine ne peut nier que le soutien de la France aux auteurs du génocide s’est poursuivi bien après le début des massacres. En effet, il en a eu connaissance directe prouvée par la mention Signalé/HV sur la note du Général Quesnot du 24 mai communiquant à François Mitterrand la lettre du Président intérimaire rwandais Théodore Sindikubwabo du 22 mai où ce dernier remercie Mitterrand de son aide apportée jusqu’à ce jour et lance un nouvel appel au secours suite à la prise de l’aéroport de Kigali par le FPR122.
Remarquons que, ce 22 mai, cela fait un mois et demi que le génocide des Tutsi s’exécute, que l’essentiel des massacres a été accompli en avril et que l’auteur de cette lettre, si chaleureuse, a beaucoup donné de sa personne pour faire démarrer les massacres dans la région de Butare dont il est originaire.
Hubert Védrine est d’autant plus informé, que le Général Quesnot, redoutant la création par le FPR d’un « Tutsiland » au Rwanda, fait apporter une aide militaire indirecte aux auteurs du génocide123. « À défaut d’une stratégie directe dans la région qui peut apparaître politiquement difficile à mettre en œuvre », écrit ce dernier à Mitterrand dans une note visée par Hubert Védrine, « nous disposons des moyens et des relais d’une stratégie indirecte qui pourraient rétablir un certain équilibre. »124
Certes Quesnot met pourraient au conditionnel. Mais il existe de nombreux indices tendant à prouver que la France a livré ou fait livrer des armes et du matériel militaire pendant le génocide. Le colonel rwandais Cyprien Kayumba passe plusieurs semaines à Paris pendant le génocide pour acheter des armes, en particulier auprès de la SOFREMAS et de la société Luchaire125. Il est reçu par le général Huchon. Le colonel rwandais Ephrem Rwabalinda vient s’entretenir avec le général Huchon126, chef de la Mission militaire de Coopération, de fourniture d’armes, d’appareils de communication et de soutien militaire du 9 au 13 mai 1994 en plein génocide.127
Un soutien militaire fut apporté sur le terrain sous couvert de l’opération humanitaire Turquoise. Il a consisté dans un premier temps, à tenter de consolider l’armée rwandaise et dans un second temps à protéger la fuite des auteurs du génocide. Il a permis que le nettoyage ethnique continue dans une zone dite « sûre ».
Hubert Védrine prétend que les armes livrées par la France n’ont pas servi à l’exécution du génocide, laissant entendre, à l’instar de nombreux dirigeants français qui cherchent à se blanchir, que les massacres n’auraient été exécutés qu’avec des machettes, des armes traditionnelles et des houes.
C’est faux, toutes les armes ont été utilisées. Ce sont des blindés AML Panhard, fabriqués en France et le plus souvent offerts au titre de la coopération, qui ont servi à neutraliser la MINUAR le 7 avril et à assassiner le Premier ministre, madame Agathe Uwilingiyimana128. L’armée rwandaise, largement équipée par la France, a participé au génocide, de même que la gendarmerie et les policiers. Les massacres commençaient en général par des tirs d’armes à feu et des lancers de grenades exécutés par des militaires ou anciens militaires, des gendarmes, des policiers ou des miliciens. Ceci parce que les Tutsi se défendaient par des lancers de pierre. Il fallait donc les attaquer à distance. Les machettes n’étaient utilisées qu’après que les victimes aient épuisé leurs moyens de défense.
Un certain nombre de massacres ont été menés en premier lieu par des militaires comme ceux de Kigali à partir du 7 avril perpétrés par les unités d’élite qui disposaient d’instructeurs et d’équipements français, les massacres de Gisenyi le 7 avril, de Butare après le 19 avril sont déclenchés aussi par des militaires, celui de Runyinya le 21 avril est perpétré par des soldats de l’école de sous-officiers de Butare, des militaires participent aux grandes attaques à Bisesero et au ratissage fin juin.
Les miliciens Interahamwe obtenaient des armes, fusils, kalashnikovs, grenades de l’armée rwandaise129. Il est difficile avant et pendant le génocide de distinguer les miliciens des militaires130. Les journalistes français qui couvrent l’opération Turquoise parlent de recrues qui montent au front en désignant des jeunes habillés en civil et encadrés par des militaires131.
13. Hubert Védrine est un des principaux acteurs du
camouflage de l’intervention militaire Turquoise en
opération humanitaire
Juste après la décision d’intervention prise le 15 juin en Conseil restreint, Hubert Védrine pilote l’envoi de Bernard Kouchner au Rwanda dans le but d’obtenir du général Dallaire le feu vert pour l’envoi des paras français à Kigali afin de sauver des orphelins et d’autres personnes menacées. Nous savons qu’il s’agit d’un prétexte humanitaire pour justifier une présence militaire française à Kigali qui s’interposerait entre le FPR, les FAR, milices et groupes d’auto-défense et permettrait à ces tueurs de se maintenir à Kigali132.
Dès le 17, Kouchner rend compte de sa mission depuis Kigali à Hubert Védrine par téléphone133. Dallaire se serait opposé à son initiative en disant que : « Pour sauver quelques vies, on va en mettre de très nombreuses en péril. » Kouchner suggère de déclarer que la France a changé de politique : « Il serait bon de faire une déclaration regrettant le passé et en précisant que nous n’entendons mener au Rwanda que des opérations humanitaires. » Il dit être pour sa part « en faveur d’une intervention » mais conseille de « bien en mesurer les conséquences ». Lors de cette conversation téléphonique avec Hubert Védrine, Bernard Kouchner demande de pouvoir s’entretenir au téléphone avec François Mitterrand depuis Kigali. Rendez-vous est pris.
Contrairement au conseil de Bernard Kouchner, aucun regret quant au passé n’a été exprimé par l’Élysée. Le 21 juin, lors de la rencontre au Quai d’Orsay avec les représentants du FPR – dont Jacques Bihozagara – , Philippe Baudillon, conseiller diplomatique du Premier ministre Édouard Balladur, leur déclare que « depuis un an la France s’était dotée d’une nouvelle politique africaine ». Mitterrand, furieux, écrit sur le compte-rendu qu’en fait Bruno Delaye « inadmissible ! le dire à Matignon » et il souligne trois fois Matignon. Hubert Védrine lui avait signalé la page 3 contenant la déclaration de Baudillon. Védrine ajoute à la main « Je le dirai à N. Bazire et à B de M »134 (Bernard de Montferrand, conseiller diplomatique d’Edouard Balladur). Hubert Védrine, comme François Mitterrand et ses autres conseillers, montre ici, qu’en dépit des centaines de milliers de morts provoquées par leurs décisions, il ne reconnaîtront jamais leur responsabilité.
Le 21 juin, Bernard Kouchner rentre à Paris et rencontre aussitôt Hubert Védrine et Bruno Delaye. Afin « d’éviter les risques de dérapage de notre opération humanitaire », il souhaite attirer l’attention de François Mitterrand sur le fait que l’opération doit être localisée et limitée dans le temps, que les militaires doivent avoir un encadrement politique de haut niveau ayant un contact avec le FPR, que l’opération doit éviter Kigali et doit être présentée « comme une étape nouvelle de notre politique »135. Hubert Védrine ajoute en note qu’il a assisté à l’entrevue avec Kouchner et que celui-ci souhaite que « notre opération n’ait d’autres buts que d’obliger d’autres pays à venir ».
En fait, les dirigeants français ne voulaient surtout pas paraître isolés diplomatiquement, mais ils préféraient bien sûr être seuls sur le terrain afin d’avoir les mains plus libres.
Le 23 juin 1994, Hubert Védrine adresse une note manuscrite à François Mitterrand déconseillant la participation du Général Quesnot au voyage de François Léotard, ministre de la Défense au Rwanda :
Monsieur le Président
le général Quesnot demande à accompagner M. Léotard (1). Je ne crois pas que cela soit opportun. Les journalistes connaissent trop ses positions très anti-FPR. Il a d’ailleurs été pris nommément à partie par un communiqué du FPR.
Peut-être en revanche peut-on demander à un de ses adjoints d’accompagner M. Léotard, s’il faut quelqu’un.
Hubert Védrine
1 Cf télégramme ci-dessoust136
Fig. 1 : La dépêche Reuteurs du 15 juillet 1994 annonçant la volonté de Paris d’arrêter les membres du gouvernement intérimaire s’ils viennent en zone humanitaire.
François Mitterrand répond par une annotation : « Je ne crois pas qu’il soit utile d’accompagner le ministre. » Cette note démontre l’influence primordiale d’Hubert Védrine sur François Mitterrand au point de pouvoir contrer celle du chef d’état-major particulier qui est l’acteur majeur de la politique française au Rwanda. Elle tend à démontrer la coresponsabilité d’Hubert Védrine dans les décisions du Président de la République.
Durant Turquoise, l’action d’Hubert Védrine a consisté à contrôler la communication officielle afin que l’objectif humanitaire ne puisse être mis en doute, tout en ne laissant rien paraître du soutien que la France continue d’apporter au gouvernement intérimaire rwandais et à ses tueurs.
Les confidences qu’Hubert Védrine fait dans le film “Tuez-les tous” témoignent que l’opération Turquoise se voulait au départ beaucoup plus offensive qu’elle n’a été en réalité :
On s’est dit, tant qu’à y aller, autant sécuriser le plus possible. Donc autant intervenir dans la zone la plus large possible pour essayer de mettre un terme aux massacres. Massacres, contre-massacres, il y a eu des vengeances. Donc si on y va, on va essayer d’y aller largement. Donc, il y a eu des études pour savoir si la France pouvait intervenir partout, établir des corridors partout. On pouvait peut-être aller jusque Kigali si c’était nécessaire, si c’était utile.
Bien sûr la motivation est d’arrêter les massacres et, comme il le souligne, les actes de vengeance, c’est-à-dire d’arrêter l’offensive du FPR. Mais l’intention est bien d’intervenir partout même à Kigali et sans doute dans la zone du FPR. Ce qui suscite la réaction de Raphaël Glucksman : « Ce plan suppose d’entrer en affrontement avec le FPR » à laquelle Védrine fait une réponse hallucinante :
Le FPR à l’époque est encore une fois une armée tutsi de l’extérieur qui n’existerait pas sans une logistique ougandaise. Donc, après tout, s’il y avait eu un affrontement, quel que soit le régime du Rwanda, cela aurait été l’application de l’accord de défense entre la France et le Rwanda. C’est pas ce qui a été fait finalement. Mais le FPR, en terme de légalité, de légitimité internationale, le FPR avait le moins le droit de prendre le pouvoir par la force à Kigali avec l’armée de l’Ouganda, que la France de mettre en œuvre les accords de défense.
Donc l’action armée du FPR serait illégale, ce serait une agression alors que l’intervention de la France serait légale à cause d’un accord de défense entre la France et le Rwanda. Nous avons vu plus haut que l’action du FPR était l’exercice d’un droit d’exilés au retour et qu’il n’y a jamais eu d’accord de défense signé entre la France et le Rwanda.
14. Hubert Védrine et la non-arrestation des assassins
La question de l’arrestation des membres du gouvernement rwandais, responsables des massacres, a fait débat parmi les dirigeants français d’autant plus que plusieurs d’entre eux ont reconnu qu’il y avait génocide. Ils savaient que ce faisant ils étaient tenus de faire arrêter les coupables présumés. Cette obligation était devenue impérative dans la mesure où la qualification de génocide avait été donnée le 28 juin 1994 aux massacres des Tutsi par une instance de l’ONU, le rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, M. Degni-Ségui137.
Mais personne n’avait réellement l’intention d’arrêter des amis qu’on avait soutenus jusqu’à maintenant. Donc on devait les laisser fuir. Mais s’ils venaient à se réfugier dans la zone humanitaire que la France avait décrétée dans le cadre de son mandat onusien – sans qu’il y ait eu d’ailleurs de débat à ce sujet au Conseil de sécurité –, cela devenait extrêmement gênant. La France aurait été montrée du doigt à l’ONU comme protégeant des assassins. Pour sauver les apparences il fallait absolument les dissuader d’y rentrer, donc les menacer d’une arrestation138. C’est du moins ce que déclarèrent des officiels à Paris139 et fit l’objet de la dépêche du 15 juillet de l’agence Reuter.
Dans les archives François Mitterrand, cette dépêche porte une note manuscrite d’Hubert Védrine : « Lecture du Président. Ce n’est pas ce qui a été dit chez le Premier Ministre. H Védrine » et le paragraphe « S’ils viennent à nous et que nous en sommes informés, nous les internerons. [...] » est coché. [Voir plus haut.]
Il est probable que certaines personnes à l’Élysée, le Président lui-même peut-être, auraient été d’accord pour que le gouvernement intérimaire se replie dans la zone protégée par l’armée française. C’est d’ailleurs ce qu’a exprimé le général Lafourcade140. C’était aller à l’encontre de l’idée que l’on se fait à l’ONU d’une zone humanitaire et revenir sur des engagements pris vis-à-vis du FPR141. La décision de laisser les organisateurs du génocide traverser la zone humanitaire mais de les inviter à la quitter rapidement aurait été prise par François Mitterrand, sans doute influencé par le Général Quesnot. Hubert Védrine a joué un rôle majeur dans la résolution de ce dilemme. Finalement, des membres du gouvernement intérimaire, dont le président intérimaire Théodore Sindikubwabo, vinrent s’installer à Cyangugu et c’est le colonel Hogard, de la Légion étrangère qui organisa leur exfiltration dimanche 17 juillet142 comme l’écrivent si sincèrement les plumitifs de la Légion : « L’E.M.T. [l’état major tactique de l’opération Turquoise] provoque et organise l’évacuation du gouvernement de transition ruandais vers le Zaïre. »143
Tout porte à croire, et la note de Védrine sur la dépêche Reuter en est une preuve, que l’Élysée a eu le dernier mot, ou que Balladur et Juppé se sont défaussés sur lui. François Mitterrand aurait-il éprouvé pour le président intérimaire Théodore Sindikubwabo, l’ordonnateur des massacres dans la région de Butare, qui était « très âgé et de santé fragile »144 les mêmes sentiments – de connivence – que ceux dont il a témoigné envers Maurice Papon, René Bousquet et Paul Touvier pour les faire échapper à la justice des hommes145 ?
Les conséquences de cette non-arrestation des responsables des massacres sont connues. Ils ont entraîné dans leur fuite 1,7 million de personnes au Zaïre dans des conditions atroces. Ils ont tout pillé avant de partir. La plupart des gens sont partis sans ressource, laissant leur récolte derrière eux. Rien n’était préparé pour eux à Goma. Une « épidémie de choléra » a fait dans les 40 000 morts146. Ils ont pris le contrôle des camps. Ils ont réorganisé leur armée et les milices. Ils ont empêché ces réfugiés de rentrer au Rwanda.
Jusqu’en 1998, ils ont lancé des raids au Rwanda en particulier pour tuer des survivants, témoins gênants du génocide. Alors que le HCR147 était incapable d’empêcher les génocidaires de terroriser la population des camps, le gouvernement de Kigali a dépêché son armée pour vider les génocidaires de ces camps en octobre 1996, ce qui a permis le retour d’une grande partie des exilés, puis, associé à des Banyamulenge et aux partisans de Kabila, ils renversèrent le régime de Mobutu en mai 1997, ce fut la première guerre du Congo. Kabila s’est retourné ensuite contre ses alliés de Kigali et fit alliance avec les troupes génocidaires rwandaises en août 1998, ce fut la deuxième guerre du Congo. Il semble clair que ces deux guerres ont pour origine la fuite au Zaïre des Rwandais auteurs du génocide des Tutsi. Les dirigeants français qui ont couvert cette fuite et qui ensuite ont continué à apporter un soutien à l’armée défaite et aux milices soit directement148, soit indirectement via le Congo Brazzaville ou la République Centrafricaine, portent une responsabilité dans les massacres et guerres qui s’en sont suivis au Congo ex-Zaïre149.
Hubert Védrine, lui, n’hésite pas à faire porter la responsabilité de tous ces massacres sur le gouvernement rwandais actuel. En 2006, à une question du Figaro si, à son avis, il y a eu au Rwanda un génocide ou un double génocide, il répond :
Est ce une question piège ? Ce que je sais, c’est qu’il y a un certain consensus pour évaluer à 800 000 le nombre de Tutsis et de Hutus victimes du génocide d’avril 1994. Depuis lors, l’« International Crisis Group », de Bruxelles, comme d’autres organisations, estime à 3,5 millions le nombre de victimes congolaises des actions rwandaises et ougandaises dans la région, depuis 1997, directement ou par dommage collatéraux. Je vous laisse le soin de qualifier ces morts-là.150
15. Védrine nie toute responsabilité
de la France dans le génocide
En 1998, Hubert Védrine aurait effleuré la possibilité d’une responsabilité française en confiant à Patrick de Saint-Exupéry : « Si nous avons une responsabilité au Rwanda, c’est à la manière de Nixon et Kissinger qui enclenchèrent le processus menant au génocide cambodgien. »151 Nous doutons que la comparaison soit adéquate. Les États-Unis ne soutenaient pas les Khmers rouges lorsque ceux-ci exécutaient ou laissaient mourir de faim leurs prisonniers.152
En 2001, en tant que Ministre des Affaires Étrangères, Hubert Védrine, va au Rwanda. Il résume la position de la France par la formule « ni fiasco ni culpabilité », il reconnaît cependant que la tragédie du Rwanda est « un cas à part », même si, selon lui, on ne peut pas dire que la politique française y ait conduit au génocide153. Il n’a exprimé aucune excuse, aucun regret pour le génocide de 1994, contrairement aux représentants de la Belgique et des États-Unis.
15.1 Nous n’avions ni la carotte
ni le bâton pour agir sur l’Ouganda
Revenant sur ces événements en 2006 il dit à Gabriel Périès et David Servenay qu’au Rwanda la France avait deux options, la première étant « on n’intervient pas » ; il poursuit :
La deuxième option, celle que Mitterrand a prise, mais il fallait s’en donner les moyens, les moyens de la realpolitik. Donc, premièrement : empêcher Kagame d’attaquer. Les Hutu étaient furieux contre les Tutsi de l’intérieur, perçus un peu comme la cinquième colonne. Pour cela, il fallait l’accord de Museveni. L’Ouganda faisant partie de l’Afrique anglaise, étant le chouchou du FMI, on ne l’avait pas. Bruno Delaye [chef de la cellule africaine de l’Élysée à partir de l’été 1992] est allé aux États-Unis pour obtenir l’accord des États-Unis mais ça n’a pas marché. Si vous voulez, nous n’avions ni la carotte ni le bâton pour agir sur l’Ouganda. Nous n’avons pas été assez forts.154
Ce « nous n’avons pas été assez forts » illustre combien l’usage de la force est le moteur de la politique française en Afrique, politique doublée de mépris pour ces « nègres » que l’ont fait marcher à la carotte et au bâton. À quel titre la France aurait-elle eu le droit d’empêcher les exilés tutsi de rentrer dans leur pays par la force ? Leur cause n’était-elle pas justifiée par la fureur des Hutu contre les Tutsi de l’intérieur ? Qui donc percevait ces Tutsi de l’intérieur comme la « cinquième colonne » ? François Mitterrand et ses conseillers ? Nous avons de nombreuses preuves comme quoi les dirigeants français considéraient que les Tutsi de l’intérieur étaient l’ennemi. Que ce soit un ennemi réel (le FPR) ou potentiel (les Tutsi de l’intérieur), ils étaient à éliminer.155
15.2 Kagame, petit Lénine du coin
Hubert Védrine poursuit :
Deuxièmement, il fallait obliger les Hutu au partage du pouvoir. Si Arusha avait réussi, Kagame, petit Lénine du coin, aurait disparu, il serait devenu secrétaire d’État dans le gouvernement. Mitterrand a sous-estimé la détermination de Kagame à prendre le pouvoir à n’importe quel prix. Il a aussi surestimé le pouvoir d’Habyarimana à contrôler le système. Quand on lui disait : « C’est affreux ce que font les extrémistes »... il répondait que ça irait, il a toujours cru en Habyarimana.156
Passons sur le « petit Lénine du coin » qui reçoit en grande pompe, en février 2008 le Président des États-Unis, G.W. Bush, à Kigali ! Ce qui est odieux c’est qu’Hubert Védrine en parlant de « la détermination de Kagame à prendre le pouvoir à n’importe quel prix » lui attribue la responsabilité du génocide alors que celui-ci a été exécuté par une armée, une administration, des milices, soutenues jusqu’au bout par la France.
Interviewé en 2005, Hubert Védrine affirmait qu’il partage la conclusion du livre de Pierre Péan que « sans la volonté du FPR de prendre le pouvoir à n’importe quel prix l’engrenage fatal n’aurait pas eu lieu »157. Cette affirmation pour reprendre ses termes n’a aucun rapport avec les faits.
N’est-ce pas plutôt la France qui a mis en mouvement l’engrenage fatal ?
Alors que les unités d’élite de l’armée rwandaise massacraient les partisans des accords de paix et les Tutsi, elle a contribué au maquillage du coup d’État par la formation de ce gouvernement intérimaire et l’a cautionné au plan international. Elle a refusé de coopérer avec la force de l’ONU et les militaires belges pour arrêter les massacres. Elle a fait en sorte que ceux-ci se déroulent hors la vue des caméras de télévision.
La réponse de François Mitterrand à l’exclamation « C’est affreux ce que font les extrémistes » rapportée par Védrine est effrayante. Il répondait que « ça irait ».
A-t-il répété cette phrase pendant le génocide ?
__
Hubert Védrine, comme François Mitterrand et ses autres conseillers, montre ici qu’en dépit des centaines de milliers de morts provoqués par la politique de la France, il refuse de reconnaître sa responsabilité et l’impute au FPR qui a combattu par les armes ceux qui opéraient les massacres avec le soutien constant de la France.
Tout au plus Hubert Védrine reconnaît l’échec d’une politique. Mais il ne s’agit pas ici d’erreur ou d’échec. Il s’agit du choix d’une guerre totale menée contre un ennemi, le Tutsi, guerre totale menée jusqu’à sa conséquence extrême, l’élimination des Tutsi en tant que tels.
Les actes suivants :
• entente en vue de commettre un génocide
– adhésion et soutien à une idéologie raciale ou ethniste qui a favorisé le génocide ;
– connaissance de l’intention de commettre un génocide ;
– soutien à ceux qui préparent un génocide en dépit des massacres qu’ils commettent afin de tester leur degré d’immunité au niveau international ;
• complicité avec les auteurs d’un génocide
– contribution à la fourniture d’armes et de munitions, à la formation militaire pour commettre le génocide ;
– contribution à la mise en place du gouvernement qui a organisé le génocide ;
– caution internationale apportée aux organisateurs du génocide pendant l’exécution de celui-ci ;
– refus de porter secours aux personnalités politiques menacées le 7 avril dont le Premier ministre ;
– refus de porter secours aux victimes des massacres alors que des militaires français sont présents sur place ;
– aide pour favoriser la fuite des organisateurs du génocide et empêcher leur arrestation,
sont des crimes prévus aux articles 2, 3 et 4 du statut du Tribunal pénal international sur le Rwanda. Crimes pour lesquels le TPIR n’a pas jugé bon jusqu’ici d’intenter des poursuites contre les responsables français du génocide.
Sur ces bases, des victimes du génocide ou ayants droit seraient fondées d’engager des poursuites contre Monsieur Hubert Védrine devant une juridiction adéquate.158
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Hubert Védrine s’explique : commentaires ligne à ligne
Lorsque Hubert Védrine s’explique dans Politis sur son rôle dans le génocide des Tutsi, Michel Sitbon, dans Le Nouveau 20H, commente ligne à ligne les réponses d’Hubert Védrine aux questions de Denis Siffert inspirées par sa lecture de La Nuit rwandaise.
Pour la première fois depuis les accusations dont il a été l’objet, Hubert Védrine revient sur la crise rwandaise. Secrétaire général de l’Élysée au moment des faits, en 1994, il défend l’analyse française de l’époque. Il accepte cependant une part de critique à propos de l’intervention française.
Politis : Quelle était la position de l’Élysée sur le Rwanda ? Et quel rôle avez-vous joué pendant cette période ?
Hubert Védrine : L’analyse de la politique française au Rwanda doit distinguer deux périodes : avant et après 1993. En 1990, quand Kagamé [1] déclenche l’offensive militaire du Front patriotique rwandais (FPR), c’est-à-dire des Tutsis de l’Ouganda appuyés par l’armée ougandaise, c’est la gauche qui est au pouvoir, et c’est Mitterrand qui décide (...)
Réponse à Hubert Védrine
Serge Farnel, contributeur de la revue La Nuit rwandaise, réagit ici à l’entretien de Denis Sieffert avec Hubert Védrine (Politis n° 1060).
Le génocide des Tutsis du Rwanda s’est accompagné de l’élaboration d’une fiction, dont un semblant de cohérence a projeté de nous la rendre « convaincante ». Ainsi les alliés politiques et militaires français des forces génocidaires parviennent-ils, à ce jour encore, à se soustraire à la pression d’une opinion séduite par la logique d’une histoire, pourtant reflet inverse de celle qui, à terme, prévaudra à l’Histoire. Telle est la fonction de l’analyse que nous propose, dans le numéro de Politis du 9 juillet, un Védrine pour qui « la discussion est légitime et utile ». « Légitimée » par le sacro-saint principe de la liberté d’opinion. À défaut de l’être par sa confrontation aux faits, la discussion s’avère en effet « utile » quand, dans l’incapacité de nous convaincre, le dernier recours de la France officielle des « années génocide » ne consiste plus qu’à suspendre notre jugement ad vitam aeternam. Entre les deux mamelles de l’information que sont la vérité et sa fidèle comparse, sa négation.
Et aux fins d’engager la « discussion », l’ancien secrétaire général de l’Élysée de se faire le conteur de la thèse officielle, avant de se féliciter que des juges espagnols aient participé à ce que « cette thèse existe », oubliant pour autant que la capacité de cette dernière à s’arroger une place dans le débat démocratique dépend moins de son existence que de sa résistance à la réfutation. Je m’en tiendrai donc à ce qui, de l’histoire racontée par Védrine, s’avère réfutable [1]. J’espère que cela suffira au lecteur pour qu’il en vienne à s’interroger sur l’opportunité d’offrir à son récit la place qui lui est due au sein de la catégorie « roman ». Védrine tente de faire croire que le retour par la force au Rwanda des réfugiés tutsis aurait été « appuyé par l’armée ougandaise », ce, probablement, au prétexte qu’ils en faisaient alors effectivement partie. Ce serait toutefois oublier qu’après que des hommes armés eurent, le 1er octobre 1990, ouvert le feu sur un poste frontière, le gouvernement ougandais s’empressa de faire ériger des barrages aux fins d’endiguer l’hémorragie de désertion au sein de son armée. En forte infériorité numérique face aux 5 200 hommes que comptaient alors les Forces armées rwandaises (FAR, force ethnique hutue), le Front patriotique rwandais (FPR, force non ethnique à majorité tutsie) n’aurait probablement pas rechigné à accueillir en son sein les 1 500 Banyarwanda [2], qui, dès lors, furent contraints de rester en Ouganda. Une façon pour le moins pittoresque pour Kampala de soutenir la rébellion rwandaise !
Hubert Védrine fait également remarquer que « le consensus se [fit] sur l’idée qu’on ne [pouvait] pas laisser un pays d’Afrique renverser par la force le régime d’à côté », omettant toutefois de préciser que cette version d’un putsch prétendument fomenté par le voisin ougandais, faute de résulter d’une analyse des faits, n’aura été le produit que d’un « choix politique » des dirigeants français. L’ambassadeur Georges Martres fit ainsi valoir que, si l’agression « peut être considérée comme étrangère », elle « s’appuie sur un projet politique d’unité nationale des Tutsis et des Hutus », avant de conclure que « le choix politique est crucial [3] ». Un « choix politique » par ailleurs désavoué, quatre ans plus tard, par la Mission d’information parlementaire pour le Rwanda (MIP), qui conclura à une guerre civile et non à un conflit entre deux États [4]. Il n’est enfin pas inutile de rappeler à cet endroit qu’aucun accord de défense n’a jamais permis à la France de légitimer l’intervention militaire qui résulta dudit « consensus »
M. Védrine prétend que « la politique d’Arusha est le résultat des pressions politiques de la France et d’elle seule ». On pourrait dès lors imaginer qu’elle eût, pour ce faire, dépêché aux réunions tanzaniennes le fleuron de la diplomatie française et non simplement un attaché d’ambassade [5], ni qu’elle n’eût par ailleurs allégrement violé l’embargo sur les armes qu’incluaient ces accords, auxquels son prétendu soutien n’apparaît plus dès lors que comme ayant été une façade aujourd’hui lézardée. Après la mise en œuvre des accords d’Arusha, « seul un petit nombre de conseillers est resté », rappelle Védrine, sans pour autant juger utile de souligner que, pour être alors placés aux postes clés, ces conseillers, quoique en « petit nombre », n’en dirigeaient pas moins aussi bien l’armée ethnique rwandaise que la Garde ethnique présidentielle, qui s’avérera être, trois mois plus tard, le fer de lance du génocide.
Védrine considère qu’« il n’y a pas de liens entre la fuite des génocidaires et l’opération Turquoise ». Or, ce lien, ce n’est autre que le lieutenant-colonel Hogard, commandant la zone sud de Turquoise, qui le consigne [6] : tandis que le président du gouvernement génocidaire avait trouvé refuge au sein de la « Zone humanitaire sûre » aménagée par l’armée française, officiellement pour servir de havre aux victimes du génocide, Hogard confesse l’avoir laissé quitter le Rwanda en traversant cette zone. Et cet exemple est loin d’être le seul. Védrine doit, par ailleurs, miser sur l’amnésie ambiante pour oser dire du juge Bruguière qu’il a fait « une enquête méthodique », à moins qu’il ne se réfère à « la méthode Bruguière », consistant quasiment à circonscrire son investigation à l’interrogation de génocidaires détenus par le Tribunal pénal international pour le Rwanda, quand il ne s’est agi d’aller rendre visite aux organisateurs de massacres, dont la tête reste à ce jour mise à prix par ledit tribunal [7].
En qualifiant enfin de « débile » l’accusation portée contre une certaine France de complicité de génocide, Védrine balaie d’un revers de la main aussi bien les témoignages attestant qu’elle a livré des armes sous embargo aux forces du génocide, que ceux qui établissent qu’elle en forma la milice. C’est donc sous la forme d’une indignation rhétorique pour le moins grossière qu’il entend disqualifier a priori ladite accusation, et maîtriser le tracé des frontières d’un débat public « raisonnable ». Ce qui ne l’empêche pas pour autant d’évoquer spontanément l’éventualité de la participation à l’attentat de « mercenaires français », avant de conclure l’interview en faisant valoir qu’« il y a beaucoup de soldats perdus en Afrique » et que « cela ne prouve rien sur la politique des États ». Est-ce parce qu’il pressent qu’on ne pourra bientôt plus cacher à l’opinion l’existence d’une telle participation qu’il lui distille les éléments d’une logique qu’il aimerait qu’elle s’approprie dès à présent ? « La France n’avait », selon Védrine, « presque plus de soldats sur place au moment où commence le génocide ». Or, je rapporte, ces derniers jours, du Rwanda, des témoignages filmés concordants qui font état de la présence de la Légion étrangère en plein milieu du génocide [8]. Considérer que ce serait là un groupe de « soldats perdus en Afrique » ne reviendrait-il pas à établir qu’ils s’égarent tous les 14 juillet dans le défilé national ?
A lire :
Jacques Morel, Georges Kapler, Hubert Védrine, gardien de l’Inavouable, La Nuit rwandaise n°2, 7 avril 2008.
Références :
[1] Colette Braeckman : Rwanda, histoire d’un génocide. Fayard, 1994.
[2] Jacques Castonguay : Les Casques bleus au Rwanda. L’Harmattan, 1998.
[3] Jean-Pierre Chrétien : Le défi de l’ethnisme. Karthala, 1997.
[4] Commission des Affaires étrangères : Commission d’enquête parlementaire concernant les événements du Rwanda 1-611/(7-15) 1997/1998. Sénat belge, 6 décembre 1997.
[5] Laure Coret et François-Xavier Verschave : L’horreur qui nous prend au visage. Karthala, 2005. Rapport de la Commission d’enquête citoyenne.
[6] Roméo Dallaire : J’ai serré la main du diable - La faillite de l’humanité au Rwanda. Libre expression, 2003.
[7] Patrick de Saint-Exupéry : L’inavouable - La France au Rwanda. Les Arènes, 2004.
[8] Alison Des Forges : Aucun témoin ne doit survivre. Le génocide au Rwanda. Karthala, Human Rights Watch, Fédération Internationale des droits de l’homme, avril 1999.
[9] Pierre Galand et Michel Chossudovsky : L’usage de la dette extérieure du Rwanda (1990-1994). La responsabilité des bailleurs de fond, Analyse et recommandations. Rapport préliminaire. Bruxelles - Ottawa, novembre 1996.
[10] Jean-Paul Gouteux : Un génocide secret d’État - La France et le Rwanda, 1990-1997. Ed. sociales, mars 1998.
[11] Jean-Paul Gouteux : La nuit rwandaise. L’implication française dans le dernier génocide du siècle. Izuba Editions, L’Esprit frappeur, 2002.
[12] Groupe international d’éminentes personnalités : Le génocide au Rwanda et ses conséquences. OUA, 1997. Publié sur http://www.oau-oua.org.
[13] Jacques Hogard : Les larmes de l’honneur. Hugo doc, 2005.
[14] Bernard Lugan : François Mitterrand, l’armée française et le Rwanda. Editions du Rocher, mars 2005.
[15] Colonel Luc Marchal : Rwanda : la descente aux enfers. Labor, Bruxelles, 2001.
[16] Linda Melvern : A people betrayed - The role of the West in Rwanda’s genocide. Zed Books, 2000.
[17] ONU : The United Nations and Rwanda, 1993-1996. The United Nations Blue Books Series, Vol X, Department of Public Information - United Nations.
[18] Didier Patry : Rwanda, face à face avec un génocide. Flammarion, 2006.
[19] Gérard Prunier : Rwanda : le génocide. Dagorno, 1997.
[20] Pierre Péan : Une jeunesse française. François Mitterrand 1934-1947. Fayard, septembre 1994.
[21] Pierre Péan : Noires fureurs, blancs menteurs. Rwanda 1990-1994. Enquête. Mille et une nuits, novembre 2005.
[22] Gabriel Périès et David Servenay : Une guerre noire - Enquête sur les origines du génocide rwandais (1959-1994). La Découverte, 2007.
[23] Paul Quilès : Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994. Assemblée Nationale. Rapport n° 1271, http://www.assemblee-nationale.fr/dossiers/rwanda/, 15 décembre 1998. Mission d’information de la commission de la défense nationale et des forces armées et de la commission des affaires étrangères, sur les opérations militaires menées par la France, d’autres pays et l’ONU au Rwanda entre 1990 et 1994.
Bruno Gouteux est journaliste et éditeur —Izuba éditions, Izuba information, La Nuit rwandaise, L’Agence d’Information (AI), Guerre Moderne, Globales…—, consultant —Inter-Culturel Ltd— et dirige une société de création de sites Internet et de contenus —Suwedi Ltd.
Il est engagé dans plusieurs projets associatifs en France et au Rwanda : Appui Rwanda, Distrilibre, Initiatives et Solutions interculturelles (ISI), le groupe Permaculture Rwanda, Mediarezo…
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