Côte d’Ivoire : Destruction d’une puissance régionale africaine

Le point avec l’association Survie
Elections présidentielles ivoiriennes
Destruction d’une puissance régionale africaine
Sur fond de propagande exacerbée, on assiste lentement à la dernière étape du lent processus de destruction programmée de « l’état ivoirien » : cette puissance régionale de l’Afrique de l’Ouest dont Houphouët Boigny aura longtemps assuré la gestion pour le compte de la France semble en effet, irrémédiablement, sur le point d’imploser.

Quelles que soient les issues possibles au blocage actuel, si l’un des deux « vainqueurs » de l’élection présidentielle finit par obtenir la réalité de la gouvernance du pays, quelle sera sa légitimité sachant qu’une partie de la population ne reconnaît pas son élection ?
Dignes des méthodes de la guerre psychologique, les discours de haine et de propagande, la création - de facto - d’un « ennemi intérieur » sur des bases politiques, mais aussi ethniques et religieuses, l’embrigadement de la jeunesse désœuvrée dans des clubs de supporters - véritables milices politiques - laissera et a déjà laissé, depuis 2002, des traces difficilement effaçables.
La communauté internationale est en partie responsable de cette situation chaotique. La France a joué un rôle de premier plan dans sa mise en place.
La France avait de fait, en intervenant militairement, entériné la séparation de la Côte d’Ivoire en deux entités : le Nord, contrôlé par les « Forces Nouvelles » et ses milices paramilitaires issues la sécession nordiste ayant tenté un coup d’Etat en 2002 [1], et le Sud, resté fidèle au Président Gbagbo, sa femme, ses milices et son armée.
Mais parfois, comme le souligne Venance Konan, la Françafrique a bon dos, « il n’y a pas de Françafrique dans cette affaire » :
« C’est vrai que Paris est loin et qu’ils n’entendent pas les crépitements des mitraillettes, les cris des personnes que l’on enlève, que l’on torture, les bruits des casseroles sur lesquelles les femmes tapent dans tous les quartiers où l’on ne dort plus, pour signaler l’arrivée des tueurs, dérisoires défenses contre le silence des intellectuels africains et panafricanistes de Paris ».
Il n’y a pas de Françafrique ?
Ou peut- être qu’il y en a un peu trop, de Françafrique, justement...
Certains réseaux françafricains voient d’un très mauvais œil une intervention anglo-saxonne lourde dans le pré-carré français.
L’intervention d’une certaine françafrique [diplomatique, politique et « d’obédience sarkozienne »] - et dont la proximité avec la diplomatie américaine ne fait plus mystère - dans la légitimation de l’élection de Ouattara semble, pour nombre d’observateurs, avoir largement brouillé les cartes d’analyse et de décryptage de la Françafrique.
La « Françafrique » semble en effet déchirée. Semble !.
A droite de la droite de l’échiquier politique français (FN), on soutient Gbagbo. Mais Sarkozy et donc l’UMP se sont ouvertement prononcés, dès le début de la crise post-électorale, pour Ouattara. Les proches du président français qui auront travaillé avec Gbagbo (Bolloré, Bouygues, ...) doivent être un petit peu embarrassé. Mais au final, Gbagbo, Ouattara, pour eux, ça fait peu de différence. Leur proximité avec le président français - qui travaille pour eux et qu’ils salarieront plus ou moins directement dès la fin de son [ou ses] mandat[s] - leur permettra dans tous les cas de pouvoir continuer à s’enrichir au détriment des Ivoiriens.
A droite de la Françafrique, finalement, la ligne de partage entre partisans de Gbagbo ou de Ouattara est sans doute à analyser en tenant compte des affinités atlantistes de chacun.
A sa gauche, les choses semblent plus confuses...
Les principaux cadres du Parti Socialiste français se sont prononcés pour le départ de Laurent Gbagbo, dans la ligne de « la communauté internationale ».
Mais le FPI, parti politique de Gbagbo, comme jusqu’il y a peu celui de Ben Ali (Rassemblement Constitutionnel Démocratique [RCD], jusqu’au... 17 janvier 2011) et de Moubarak (Parti National Démocratique [PND], jusqu’au 31 janvier 2011), fait partie de l’Internationale Socialiste...
Roland Dumas (souvenons-nous de « l’affaire » du même nom, au début des années 90, mêlant Elf [le cœur de la Françafrique d’alors] et Thomson-CSF), aura quant à lui rechaussé ses bottines Berluti pour aller soutenir - en compagnie de Jacques Vergès - le président sortant ivoirien. Il aura marché dans les pas de Jean-François Probst, l’ancien bras droit de Jacques Chirac...
L’ancien « Monsieur Françafrique » du PS [2], Guy Labertit - qui occupait d’ailleurs ce poste au moment où le président - socialiste - Mitterrand envoyait les troupes du DAMI au Rwanda... - est une pièce maîtresse de la défense, en France, de Laurent Gbagbo : ses déclarations, dans lesquelles il reproche à Ouattara d’être l’« Homme du FMI », sont toutes caractérisées par des envolées anticoloniales qui du fait de ses anciennes fonctions frisent souvent le ridicule...
Ouattara, « Homme du FMI » selon ses détracteurs du « camp » Gbagbo. Ces derniers présentent le président sortant comme une figure de proue de la lutte contre la Françafrique et le néocolonialisme français quand bien même il est conseillé par Stéphane Fouks (Euro RSCG, du groupe françafricain Bolloré), qui conseille également le socialiste français Dominique Strass Kahn, président du... FMI.
Bref, à droite comme à gauche, c’est à n’y rien comprendre dans ces jeux d’alliances opportunes et de réseaux françafrico-politico-économiques...
Finalement, la Françafrique, en 2011, c’est le miroir de la politique française d’aujourd’hui. Le malheur des Ivoiriens nous aura au moins permis d’en percevoir quelques rouages.
Elle est, elle aussi, divisée entre ceux qui pensent que la France, pour garder sa stature internationale, a encore les moyens de mener sa propre politique étrangère, de préserver son indépendance et son « pré carré ». Une partie non négligeable de l’armée et des hommes et partis politiques français - droite et gauche confondues - , défend cette vision, celle d’une France de culture et tradition coloniale qui passe sous silence - quand elle ne revendique pas - les crimes coloniaux et la mise au pas que furent les crimes et massacres faisant suite aux « indépendances » (Algérie, Cameroun, Madagascar, ... : plusieurs centaines de milliers de morts). Une France emprunte de « l’idéologie française », nationaliste par essence, et qui, prétendant parler au nom des peuples, cache péniblement le mépris paternaliste - et souvent ouvertement raciste - qu’elle éprouve pour les populations africaines.
Et ceux, proches du pouvoir actuel, qui projettent de mettre la diplomatie et l’armée française au service de « l’allier américain », auquel ils ont prêté allégeance, en vassaux révérencieux. C’est pour ces derniers la seule façon de préserver pour l’hexagone le statut de puissance mondiale alors que la Chine, mais aussi l’Inde, le Brésil et les « pays émergeants » remettent en cause cette fable issue de la période coloniale que continue d’entretenir le maintient de ce petit pays parmi les membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU.
Les « nationalistes » versus les « mondialistes », de droite comme de gauche. Mais des buts similaires : imposer partout, par tous moyens, la contribution de toutes les femmes et de tous les hommes à l’enrichissement pharaonique de quelques-uns et une vie confortable pour les très nombreux lieutenants et laquais nécessaires à l’établissement de la fortune de ces derniers.
Les Ivoiriens de la diaspora
La diaspora ivoirienne est très divisée. La division de la société ivoirienne voulue par ceux qui travaillent à la destruction du pays est très visible à l’étranger. On imagine avec effroi ce qu’il doit en être à l’intérieur du pays...
Certain voudraient faire passer Gbagbo pour un défenseur de l’Afrique, un anticolonialiste en lutte avec « la Françafrique », voire un saint homme... Pour ces derniers, l’ombre de Lumumba et de Sankara planerait même sur ses épaules. L’enrichissement de ses proches, tout comme ses soutiens françafricains (Labertit, Dumas, Probst, ...) ou la reconduction des contrats aux Bouygues, Bolloré et autres piliers de la Françafrique officielle durant sa mandature prolongée nous indique clairement qu’il n’en est rien.
De plus, on se questionne encore aujourd’hui sur la destination des profits tirés du pétrole ivoirien. L’architecte libano-ivoirien Pierre Fakhoury (qui aura construit, sous Houphouet, la basilique de Yamoussoukro...), qui est l’un des artisans de l’arrivée du groupe Total dans l’exploration et la production du pétrole en Côte d’Ivoire (55% du « CI 100 ») et dont on dit qu’il aurait réglé la facture de Gbagbo à Stéphane Fouks semble être l’un des grands gagnants de l’exploitation des hydrocarbures en Côte d’Ivoire. Tout laisse supposer qu’il n’est pas le seul...
Dans tous les cas, on ne peut pas vraiment dire que Gbagbo, malgré ce que prétendent aujourd’hui ceux qui sont en charge de sa communication, soit un farouche opposant de la françafrique :
En mai 2008, Gbagbo aurait déclaré : « il faut quand même que les gens sachent que dans tous les grands choix que nous avons opérés, ce sont les entreprises françaises que nous avons choisies. »
(Association Survie - lire le discours de Gbagbo en bas de page)
D’autres appellent Ouattara - celui qui aura appliqué avec empressement les plans d’ajustement structurels du FMI et la prise en main du pays par les bailleurs de fond internationaux - à prendre ses fonctions pour « redonner confiance aux populations et espoir à la jeunesse » [sic]. L’appui que lui apportent la communauté internationale et la présidence française finissent de le catégoriser comme un suppôt du grand capital et de l’impérialisme occidental...
L’écrivain guinéen Tierno Monemembo n’a bien sûr pas tort d’affirmer que « l’ONU n’a pas à décider qui est élu et qui ne l’est pas à la tête d’un pays (…). Le faisant, elle outrepasse ses droits, ce qui lui arrive de plus en plus. Au point que derrière le langage feutré des diplomates, on distingue des bruits de bottes coloniales. »
C’est donc sur fond de propagande, de désinformation [3], de manipulations médiatiques, comptables et juridiques que la diaspora africaine et les « intellectuels » attachés à ce continent prennent position.
Certains militants panafricains aguerris se mettent à prendre des positions partisanes et à tenir des propos qui confinent parfois au ridicule...
Pros-Gbagbo, pros-Ouattara, continuez à ainsi guerroyer bêtement : en abdiquant toute réflexion, vous préparez de fait la livraison du pays aux intérêts étrangers, américains, français, chinois ou d’ailleurs...
Les idiots-utiles ne retiennent aucune leçon de l’Histoire...
Pour ou contre Gbagbo ? Pour ou contre Ouattara ?
En fait, dans ce tohu-bohu partisan, il n’est peut être pas inutile de rappeler qu’aucun de ces « présidents » n’a été élu...
• Ouattara aura en effet été déclaré vainqueur du second tour de la présidentielle par la Commission Electorale Indépendante, sur la base de résultats provisoires, et hors délais.
• Gbagbo, quant à lui, aura été déclaré Président par un Conseil Constitutionnel qui n’en avait pas les prérogatives : l’article 64 du code électoral ivoirien stipule en effet qu’au cas où le Conseil Constitutionnel « constaterait des irrégularités graves de nature à entacher la sincérité du scrutin et à en affecter le résultat d’ensemble », il devrait prononcer « l’annulation de l’élection présidentielle », mais en aucun cas proclamer l’identité d’un éventuel vainqueur : un nouveau scrutin devant dans ce cas être organisé « au plus tard quarante-cinq jours » à compter de la date de cette décision.
Pendant que ces deux camps se livrent un combat acharné pour contrôler les finances (et les ressources) du pays, les Ivoiriens trinquent. Les morts se comptent aujourd’hui par centaines (on parle de plus de 300 morts) et les jours et semaines qui vont suivre ne présagent rien de très optimiste, malgré la « médiation » africaine initiée par l’OUA.
Depuis 2002, la Côte d’Ivoire nous rappelle tristement, sans présager rien de bon pour les Ivoiriens, le Liberia voisin de la fin des années 80... A moins que ne se prépare une nouvelle tragédie, à la rwandaise.
Des textes de l’association Survie, pour se faire un avis sur la question :
Processus électoral
« Paris Françafrique », l’émission radio de Survie et des luttes contre la Françafrique.
Chaque lundi de 17h30 à 19h sur Fréquence Paris Plurielle 106.3 Fm à Paris et sur Internet...
Le processus électoral ivoirien (émission du 13 décembre 2010 - 1 heure 26 minutes)
Après 5 ans d’attente (les ivoiriens attendent ces élections présidentielles depuis 2005), les ivoiriens ont été appelé aux urnes cet automne. Les résultats du 2nd tour qui s’est déroulé le 28 novembre dernier ont amené les deux candidats en lice, Laurent Gbagbo et Alassane Ouatara, à se proclamer tous les deux vainqueurs et à constituer chacun leur gouvernement.
Alors que la crise politique se passe sous les hauts cris de la « communauté internationale », David Mauger (Survie) décrypte pour nous les enjeux des principaux acteurs impliqués dans ce processus : les deux candidats du 2nd tour évidemment, mais aussi l’ONU, les États-Unis et la France, en particulier, et encore l’Union Européenne, l’Union Africaine, les forces militaires en présence sur le territoire, et des acteurs économiques majeurs principalement français... aucun d’entre eux ne pouvait ignorer que le processus aboutirait à une telle situation.
Le matraquage médiatique ne doit pas nous faire oublier qu’il s’agit avant tout que les ivoiriens prennent pour la Côte d’Ivoire les choix de la politique qu’ils ont envie d’y voir jour. Sur ce plan, le champ d’action reste malheureusement encore une fois très limité...
Élections, piège à c... !
Élections, piège à c... !
Le 6 janvier 2011 par Rafik Houra
Qu’on ne s’y trompe pas, les victimes de cette élection ne sont pas à chercher du côté des candidats. Tout porte à croire que chaque camp préparait depuis longtemps le troisième tour. Celui dans lequel s’opposent actuellement Gbagbo et la « communauté internationale ».
Mais c’est bien la population ivoirienne, à qui l’on servait depuis 2007, que la présidentielle allait clore la crise, qui se retrouve otage d’une situation politique binaire et violente. Les positions sont tranchées et les moyens mis en avant extrémistes.
De Marcoussis aux isoloirs, huit ans de statu-quo militaire, de tensions toujours entretenues, de régression sociale et de marginalisation de la société civile. Huit ans ponctués d’accords politiques de dupes, de reconduction des contrats aux Bouygues et Bolloré. Huit ans dont le bilan le plus marquant est celui des exactions. Celles des rebelles, celles des milices et paramilitaires loyalistes, ou celles des soldats français.
On se souvient de Michel de Bonnecorse, conseiller de Chirac pour l’Afrique, sortant, en janvier 2007, d’une audience avec Blaise Compaoré, le président burkinabé. C’était quelques semaines avant les accords de Ouaga qui firent du leader rebelle, Guillaume Soro, le premier ministre de Gbagbo. Bonnecorse annonçait (Billets n°157) un règlement de la crise seulement à l’issue des élections : « Le but des pays raisonnables est qu’il y ait des élections libres et honnêtes en octobre, ce qui donnera un président légitime qui sera soit élu, soit réélu, et c’est à ce président de mettre un terme à cette crise. »
Il sous-entendait des élections sans réunification du pays et sans désarmement des rebelles. Au lendemain des accords de Ouaga, la rumeur annonçait Gbagbo tranquille jusqu’en 2010. Bonnecorse et la rumeur ont eu raison. Dans son communiqué de presse du 23 décembre, « Côte d’Ivoire : la France pyromane ne doit pas jouer au pompier », Survie constatait donc la « responsabilité de la diplomatie française dans l’impasse » actuelle. Rappelant plus particulièrement la tuerie de novembre 2004, l’association Survie réclamait de la France « le retrait de son opération militaire au profit de troupes internationales sous commandement onusien. »
Par ailleurs, le descriptif du Programme d’appui au processus électoral impulsé par l’UE au travers du PNUD annonçait :
« Pour les prochaines échéances électorales, il est à prévoir que le problème de confiance se posera avec une acuité encore plus grande et exigera le recours à des pouvoirs décisionnels exceptionnels pour contrecarrer l’incapacité d’atteindre des consensus politiques en temps utile. »
De 2006 à aujourd’hui, deux programmes se sont succédé, au bénéfice principalement de la Commission électorale Indépendante (CEI) pour des montants de 58 et 75 millions de dollars. Les organisations de la société civile en ont aussi bénéficié, dans une moindre mesure.
La résurrection du vieux parti d’Houphouët-Boigny ?
Fin 2010, c’est enfin l’heure du vote pour les Ivoiriens. Le premier tour a vu la mise à la retraite de l’ancien président Henri Konan Bédié, héritier du vieux parti unique (PDCI) d’Houphouët-Boigny.
L’entre-deux tours a vu la réactivation de l’accord politique scellé à Paris en 2005 réconciliant Ouattara et Bédié pour défaire Gbagbo au second tour. Oublié, le fait que le second instrumentalisa l’ivoirité, dans les années 1990, pour écarter le premier de l’arène politique. Le PDCI et le RDR de Ouattara, né d’une scission PDCI, se retrouvent artificiellement réunis au sein du nouveau parti Houphouëtiste, le RHDP.
Commission électorale non indépendante contre Conseil constitutionnel aux ordres
La composition de la CEI a été fixée par l’accord de Pretoria de 2005, qui se réfère aux signataires de l’accord de Linas-Marcoussis. Ces derniers accords rassemblaient trois mouvements rebelles – qui rapidement n’en firent plus qu’un –, quatre partis aujourd’hui rassemblés au sein du RHDP, le FPI de Gbagbo, et deux partis plus ou moins associés à Gbagbo. Compte tenu de son alliance réussie avec les rebelles et les Houphouëtistes, la CEI est très majoritairement favorable à Ouattara. Pour compenser sa composition partisane, les décisions de la CEI doivent être prises par consensus. Début 2010, Gbagbo avait obtenu la démission de la CEI après des manoeuvres douteuses de son président lors de la constitution des listes électorales. Le camp présidentiel avait tenté en vain de changer la distribution des cartes. À peine évoquée, l’idée d’y faire entrer la société civile avait avorté.
En revanche, le Conseil constitutionnel, calqué sur le modèle français, est contrôlé par le camp Gbagbo. Le scénario qui a mené au bicéphalisme actuel est le suivant : alléguant des fraudes, les membres de la CEI favorables à Gbagbo ont bloqué tout consensus sur les résultats du second tour. Le porte-parole de la CEI – issu des rebelles – tenta de passer outre et voulu annoncer des résultats régionaux. Devant les caméras, il en fut empêché par deux autres membres. Après trois jours de blocage, le Conseil constitutionnel prit le dossier en main. Avant que ce dernier ne se prononce, Youssouf Bakayoko, le président de la CEI, se rendit à l’hôtel du Golf, d’où il déclara Ouattara vainqueur. Le lendemain, le Conseil constitutionnel invalida le scrutin dans sept départements et déclara Gbagbo vainqueur.
La question de la fraude
Les chiffres de la participation ont alimenté les soupçons de gonflement des suffrages. La bonne participation annoncée le jour du vote (estimée entre 65% et 70%) est devenu excellente quelques jours plus tard avec les chiffres de la CEI (84% au premier tour, 81% au second). Six départements auraient connu un bond de participation entre les deux tours de 6 à 9,5 points, atteignant de 87% à 94% de participation au second tour. Tous ces départements, contrôlés par les rebelles, ont accordé leurs faveurs à Ouattara.
Dans son rapport sur le second tour, la Convention de la société civile ivoirienne (CSCI) a regretté de ne pas pouvoir confronter ses données avec les procès verbaux recueillis par la CEI. Pour aller dans ce sens, il faut noter que la confrontation des données régionales ou nationales est insuffisante. Dans le même ordre d’idée, le nombre d’observateurs (100 observateur de l’UE, 1000 de la CSCI) devrait être accompagné de leur répartition sur le territoire, surtout dans le cas ivoirien. On sait par exemple que les renforts militaires de l’ONUCI, arrivés du Libéria pour les élections, se sont concentrés dans les zones où la mixité ethnique est la plus forte : Abidjan, Bouaké et les régions de l’ouest et du centre-ouest.
La « République du Golf »
Depuis les accords de Marcoussis, l’hôtel du Golf, où résident les ministres issus de la rébellion, est sécurisé par les casques bleus. Lorsque Bakayoko s’y rend, Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara, Guillaume Soro, le représentant du secrétaire général de l’ONU et les ambassadeurs français et américain s’y trouvent déjà. Ces derniers lui promettent protection jusqu’à l’aéroport, en échange de la proclamation de résultats. Bakayoko annonce la victoire de Ouattara devant les caméras occidentales avant de s’envoler pour Paris.
Depuis, Ouattara et Soro vivent dans l’hôtel, véritable enclave sous protection de l’ONUCI et des militaires rebelles. Leur stratégie pour obtenir le départ de Gbagbo a connu trois phases. La première fut l’appel à leur partisans avec, le 16 décembre, un mot d’ordre lancé pour « libérer la RTI [Radio Télévision ivoirienne] », qui s’est transformé en mot d’ordre de grève – peu suivi, sauf dans les transports. La seconde est la demande aux institutions internationales de geler les comptes de l’État ivoirien, de sanctionner l’entourage de Gbagbo et de ne plus reconnaître les ambassadeurs nommés par Gbagbo. Et finalement, l’appel à une intervention militaire étrangère pour déloger Gbagbo.
La mobilisation des jeunes patriotes
On note dans le gouvernement de Gbagbo la présence de Charles Blé Goudé, le « général » auto-proclamé des « jeunes patriotes ». Blé Goudé organise des meetings dans certains quartiers d’Abidjan pour mobiliser contre Ouattara, Soro, l’ONUCI, Licorne.
Sans appeler directement à la violence, il dérape volontiers, annonçant un génocide à venir perpétré par les « forces impartiales », appelant des manifestations « à mains nues » à déloger par tous les moyens Soro, ses rebelles de la « République du Golf » et les « forces impartiales ».
Il appelle en même temps à ne pas s’en prendre aux résidents français, ni à leurs entreprises. Blé Goudé espère montrer, en mobilisant les foules, que Gbagbo est indélogeable.
Les deux visages d’Abidjan
Il existe actuellement deux visages d’Abidjan. La capitale ivoirienne est fortement divisée, comme le montrent les chiffres acceptés par les deux parties, même s’ils sont légèrement à l’avantage de Gbagbo avec 52% des suffrages exprimés et 83% de participation au second tour. D’une part, les quartiers huppés et une partie des quartiers populaires ont majoritairement voté Gbagbo. Les autres sont, depuis la manifestation du 16 décembre, sous l’étroite surveillance des « corps habillés » – policiers, gendarmes, paramilitaires... – restés fidèles à Gbagbo.
La journée du 16 a enregistré entre vingt et trente morts selon les deux camps. À en croire l’ONU, un mois après le second tour, le bilan serait proche de 173 morts, principalement parmi les partisans de Ouattara. La peur règne dans les quartiers Dioulas. Des informations inquiétantes circulent, faisant état de barrages tenus par des paramilitaires anglophones, d’enlèvements de nuit. Le 19 décembre, un charnier aurait été découvert près d’Abidjan. L’ONU n’a pas encore pu se rendre sur place.
Soro et Choi, le représentant de l’ONU, évoquent des escadrons de la mort à la solde de Gbagbo, des mercenaires angolais, libériens ou sierra-léonais. Le diplomate français, Alain Le Roy, chef du département des opérations de maintien de la paix de l’ONU, a confirmé la présence de mercenaires libériens.
Retour à la case CPI ?
Comme en 2003, la possibilité de traduire Gbagbo et son entourage devant la justice internationale est évoquée.La liste des crimes impunis en Côte d’Ivoire est longue, tant de la part des loyalistes que des rebelles. Mais jusqu’ici les menaces d’inculpation sont restées au stade du chantage diplomatique.
Début 2003, les médias français se sont fait l’écho d’une enquête en cours liant l’entourage du président ivoirien aux escadrons de la mort qui sévissait à Abidjan (Billets n°113). Elle est toujours restée à l’état d’enquête ouverte et ne s’est jamais concrétisée par une inculpation. Il s’agit manifestement d’un dossier qu’on gardait sous le coude... Le Monde et Paris- Match ont été condamnés pour avoir lié la présidence ivoirienne aux escadrons de la mort.
La mouvance rebelle proche d’Ibrahim Coulibaly (surnommé « IB », ancien garde du corps de la famille de Ouattara, mêlé au renversement de Bédié en 1999 et présenté en 2002 comme le parrain de la rébellion) avait constitué un dossier sur les crimes du régime Gbagbo, mais pendant l’été 2003, elle avait été mise hors jeu, suite à l’arrestation d’IB par la DST à Paris, après une enquête du juge Bruguière (Billets n°188).
C’est à ce moment que Soro a vraiment pris les rênes de la rébellion, que le chemin de fer ivoiro-burkinabé exploité par Bolloré a pu à nouveau circuler.
C’est aussi à cette période que l’État ivoirien a renoué avec le grand patronat français. En mai 2008, Gbagbo pouvait déclarer « il faut quand même que les gens sachent que dans tous les grands choix que nous avons opérés, ce sont les entreprises françaises que nous avons choisies ».
Impatience française
Pour le Grigri International (24 décembre), « Aurore Bergé, ambitieuse candidate en 2008 à la direction des Jeunes populaires de l’UMP » est la première à annoncer une victoire de Ouattara, le lendemain du second tour.
Deux jours plus tard, le site d’information Euronews affichait un bandeau annonçant la victoire du même Ouattara, avant de s’excuser, invoquant un « problème technique » – (sic). Mais dès la nuit du second tour, le journaliste Jean-Paul Ney annonçait sur son site (LesGrandesOreilles) la victoire de Ouattara en accumulant des faits grossièrement faux : « Le couvrefeu n’est plus respecté par les gens qui dansent dans les rues », « le mouvement militaro-civil pour la libération du peuple (MCLP) menace de faire sauter le président sortant », « À Paris, une source de la DGSE confirme la victoire sans appel de Ouattara ».
L’audiovisuel français tape d’ailleurs fort en matière de désinformation. Sur France 5 les téléspectateurs ont appris qu’en 2000, c’est Gbagbo qui a surfé sur l’ivoirité pour évincer Alassane Ouattara (C dans l’air, 06 décembre).
Antoine Glaser, dans une grande confusion, met tout sur le dos de Gbagbo sur France Inter « [Gbagbo] est arrivé au pouvoir en ayant écarté Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié. Et finalement les socialistes à l’époque quand Henri Konan Bédié a [subi] le coup d’état, on était en cohabitation, Jacques Chirac à l’époque avec le conseiller Michel Dupuech, ils étaient pour remettre Bédié au pouvoir. Les socialistes ont dit non, il y a notre camarade Laurent Gbagbo qui peut quand même arriver » N’oublions pas enfin Michèle Alliot- Marie (Europe 1, 1er décembre) : « La Côte d’Ivoire a toujours été un modèle de démocratie en Afrique ».
Sanctions
Il existe un groupe d’experts nommé par l’ONU dont nous avons salué le travail à plusieurs reprises (Billets n°192). Son rôle est de contrôler l’efficacité de l’embargo sur les armes et de rapporter les infractions relevant du comité des sanctions. On s’étonne que son rôle n’ait pas été mis en avant à l’heure où tombent de nouvelles sanctions. Il a sans doute le tort d’avoir mené son travail en zone rebelle aussi bien qu’en zone gouvernementale.
C’est sans doute pour cette raison que son rapport annuel, qui aurait dû être publié mi-octobre, est inaccessible ! Notons que parmi la soixantaine de personnes sous le coup de sanctions de la part de l’UE figure l’ex-légionnaire Frédéric Lafont (Billets n°196).
Offensive sarko-américaine
Devançant l’Élysée, l’administration américaine a été la première à soutenir le « nouveau président » Ouattara. L’offensive diplomatique américaine contre Gbagbo éclaire d’un jour nouveau deux incidents relevés précédemment (Billets n°195) : l’interdiction faite au président du FPI de se rendre aux États-Unis cet été et l’arrestation d’un militaire envoyé par le gouvernement ivoirien pour acheter du matériel de maintien de l’ordre peu avant les élections. Le duo franco-américain à l’ONU s’est dans un premier temps heurté à la Russie avant que celle-ci accepte la position occidentale.
L’Union africaine s’est alignée tandis que la CEDEAO, emmenée par le Nigérian Jonathan Goodluck, prenait les devant, menaçant très tôt Gbagbo d’un recours à la force. Le téléphone a bien fonctionné entre Obama, Sarkozy et Goodluck.
Dès le 8 décembre, donc moins d’une semaine après la dispute électorale, Soro déclarait au Parisien : « J’espère pouvoir compter sur la capacité de tous les défenseurs de la démocratie, des Africains comme de la communauté internationale, pour imposer à Gbagbo de céder le pouvoir comme hier les Etats-Unis l’ont fait avec Charles Taylor au Liberia. » Soro a retrouvé sa hargne du début de la rébellion, celle qui laissait deviner qu’il s’appuyait sur de puissants appuis.
Cet appel fait froid dans le dos à plus d’un titre. L’Ecomog – l’armée nigériane sous couvert de la CEDEAO – avait été envoyée combattre Charles Taylor et c’est bien ce dont on menace aussi Gbagbo. Mais cette force et ses nombreuses exactions sont de sinistre mémoire. Elle fut totalement inefficace. Assez ironiquement, la rébellion ivoirienne dont Soro est le leader avait reçu le soutien du criminel de guerre Charles Taylor. Ce sont finalement des milices libériennes, appuyées par les États-Unis et, régionalement par Gbagbo, qui renversèrent Taylor. Quant au Sierra Leone, l’Ecomog n’y a pas évité l’intervention britannique. Si le Nigeria intervenait en Côte d’Ivoire, ce serait le signe d’un tournant stratégique considérable.
Le consentement de l’Élysée pour cette solution, serait un nouveau signe de la proximité de vue entre le locataire de l’Élysée et la diplomatie américaine. Certains réseaux français verraient d’un très mauvais œil une intervention anglo-saxonne lourde en Françafrique.
Du point de vue régional, le tandem Foccart-Houphouët avait donné à la Côte d’Ivoire un rôle de pivot de l’impérialisme français dans l’aire ouest-africaine face au géant nigérian. Cette rivalité avait atteint son paroxysme avec la guerre du Biafra et dans une moindre mesure la guerre du Libéria.
Au moment de l’arrivée annoncée d’un bâtiment militaire néerlandais à la demande des autorités françaises (RNW, 22 décembre), on lit dans un télégramme de la diplomatie américaine que les Néerlandais sont un allié très important en Europe qui « envisage d’accroître sa présence militaire en Afrique », particulièrement, mais pas seulement, en Côte d’Ivoire.
Mi-décembre, le premier ministre kenyan suggérait de déloger Gbagbo par la force. Deux semaines plus tard, l’UA lui demande d’assumer ses propose et « d’assurer le suivi de la situation en Côte d’Ivoire et de renforcer les chances de succès des efforts en cours » !
Faux miracle, vrai chaos
Du faux miracle au vrai chaos
Édito Billets d’Afrique du 6 janvier 2011 par Odile Tobner
S’il est bien une idée fausse, resassée par les médias à propos de la Côte d’Ivoire, c’est celle du « miracle ivoirien » c’est à dire la période des 30 premières années de l’Indépendance sous le règne d’Houphouët Boigny, qui aurait été une période faste.
Il faut examiner en effet à quel point Houphouët a été une malédiction pour la Côte d’Ivoire, on comprendra alors le chaos actuel, qui en est la conséquence directe. On peut dire que, pendant cette période, l’argent a certes coulé à flot mais qu’il n’en est résulté aucun développement. C’est cette conjonction vicieuse qui constitue le cas de figure exemplaire d’un système pervers. La prospérité a été entièrement détournée d’une part par une classe dirigeante qui s’est enrichie de façon indécente – la fortune personnelle d’Houphouët est certainement l’une des plus gigantesques et des plus scandaleuses d’Afrique – d’autre part par les entreprises françaises, qui forment l’essentiel du tissu économique et rapatrient 90 % de leurs bénéfices.
Ces dizaines d’années d’enrichissement ont laissé la Côte d’Ivoire elle-même dans une économie d’agriculture intensive. Houphouët se contentait de faire venir des pays voisins des masses de travailleurs pour exploiter à bon compte les plantations d’ananas, de café et de cacao. Se bornant à recueillir cette rente, il n’a guère essayé de diversifier l’économie, ni surtout de procurer à la Côte d’Ivoire un tant soit peu d’indépendance à l’égard des importations, seule amorce pour un véritable développement.
La prospérité en trompe l’oeil, dont les Ivoiriens n’ont jamais recueilli que les miettes, entièrement dépendante du cours de quelques matières premières agricoles, a vite fondu, laissant la Côte d’Ivoire aux griffes des institutions financières internationales et dépourvue d’emplois. L’état de la Côte d’Ivoire après la disparition d’Houphouët, bien loin de montrer rétrospectivement une quelconque efficacité de sa gestion, comme certains le répètent à l’envi, est la preuve même de sa nocivité dans l’absence de toute vision à long terme du développement de son pays.
Politiquement, l’échec d’Houphouët est encore plus patent. Son régime, sous des dehors paternes, s’est montré férocement répressif contre toute contestation. Les problèmes sociaux et politiques engendrés par son aveuglement devant la réalité ivoirienne vont exploser après sa disparition.
Henri Konan Bédié, président de l’Assemblée nationale, succède constitutionnellement à Houphouët, mort en décembre 1993, alors qu’Alassane Ouattara, premier ministre, était la véritable tête de la Côte d’Ivoire depuis 1990 avec la dégradation de l’état de santé d’Houphouët. Bédié, pour se débarrasser de son rival Ouattara, promeut en décembre 1994 une loi électorale qui instaure la notion d’« Ivoirité ». L’élection présidentielle de 1995, boycottée par les principaux candidats, et précédée par de violentes manifestations qui font de nombreuses victimes, est remportée à 96 % par Bédié.
Le 24 décembre 1999, un coup d’Etat militaire chasse Bédié du pouvoir. Le général Gueï prend la tête du Conseil national de salut public. Il propose au référendum une constitution qui reconduit les dispositions de l’Ivoirité, adoptée à 82 %.
Il se présente à l’élection présidentielle d’octobre alors que les candidatures de Bédié et de Ouattara sont récusées. Laurent Gbagbo entre alors en scène. Ses partisans descendent dans la rue pour revendiquer la victoire électorale. On est parti pour dix années de troubles avec, à partir de 2002, la partition de la Côte d’Ivoire, dont le nord est occupée par la rébellion militaire des Forces nouvelles.
Les violences politiques
Dix ans de violences politiques en Côte d’Ivoire
Le 6 janvier 2011 par Odile Tobner
Recension non exhaustive des violences politiques qui ont affecté la Côte d’Ivoire ces dix dernières années. Bien des épisodes de ces violences restent inconnus à ce jour. Les informations proviennent de différents rapports de l’ONU et d’Amnesty International.
Le 22 octobre 2000 a lieu l’élection présidentielle.
Le 23 octobre, Robert Gueï se proclame vainqueur alors que le décompte des voix donne Laurent Gbagbo en tête. Le 24 et le 25 octobre la foule des partisans de Gbagbo manifeste dans la rue. Des tirs dans la foule font plusieurs dizaines de morts. Gueï désavoué par l’armée et la gendarmerie s’enfuit. Gbagbo est proclamé vainqueur.
Le 26 octobre les partisans de Ouattara, portant des armes blanches, quelques fusils, descendent dans la rue pour exiger l’annulation de l’élection. La répression fait une centaine de morts. Le lendemain on découvre, dans un terrain vague du quartier Yopougon, les cadavres de cinquante-sept personnes. Le témoignage de rescapés indique qu’elles ont été tuées dans l’enceinte du camp de gendarmerie d’Abobo. En décembre une enquête internationale est menée. Un procès contre les auteurs présumés ne prononcera aucune condamnation.
Du 19 au 21 septembre 2002, alors que Gbagbo est en visite officielle en Italie, une rébellion armée venue du Burkina-Faso tente de s’emparer des principales villes de Côte d’Ivoire. A Abidjan, dans la nuit du 18 au 19 septembre le ministre de l’Intérieur, Emile Boga Doudou est assassiné par les assaillants. Le matin du 19 septembre, c’est au tour de Robert Gueï, soupçonné d’être l’instigateur de la rébellion, d’être tué par des militaires loyalistes. Les combats font plusieurs dizaines de morts. Les rebelles sont repoussés. La rébellion prend le contrôle des villes de Korhogo et de Bouaké. De nombreux militaires, gendarmes et policiers, désarmés, ainsi que des agents de l’Etat sont exécutés.
Certains évaluent à cinq mille morts les victimes de la rébellion dans le nord et l’ouest. Il s’ensuit une fuite massive des populations originaires du Sud. Le 6 octobre 2002, cent-dix personnes, gendarmes et leurs enfants, sont extraits de leur caserne et emmenés dans une prison où ils sont immédiatement abattus par des combattants du MPCI, dont le secrétaire général est Guillaume Soro.
Aucune suite ne sera jamais donnée à cette tuerie. Les mois d’octobre, novembre et décembre 2002 sont marqués par quelques centaines de morts faits par l’armée nationale ivoirienne, lorsqu’elle reprend certaines localités comme Daloa ou Man. En mars 2003, quatre-vingts villageois fuyant Bangolo pour se réfugier à Duékoué sont tués par des unités du MPIGO (Mouvement populaire du Grand Ouest, un mouvement de rébellion, rejoint les FN en 2004) et du MPCI.
Le 25 mars 2004 à Abidjan la répression d’une manifestation des partis d’opposition, pour l’aplication des accords de Marcoussis fait cent-vingt morts, selon l’ONU.
Les 20 et 21 juin 2004, des affrontements entre la direction des Forces nouvelles (ex-rebelles) et les partisans d’Ibrahim Coulibaly, dit IB, font une centaine de morts à Korhogo.
Le 6 novembre 2004, un raid de l’aviation ivoirienne sur Bouaké tue huit soldats français et un civil américain. Dans les minutes qui suivent, Jacques Chirac ordonne la destruction de la totalité des moyens aériens de l’armée ivoirienne. C’est le début de trois jours d’émeutes anti-françaises. En même temps une colonne de blindés de l’armée française fait route de Man vers Abidjan. Neuf Ivoiriens sont tués à Duékoué en tentant d’y faire barrage. A l’entrée d’Abidjan, il y a également des victimes. Un hélicoptère français mitraille sur le pont de la lagune des Ivoiriens qui veulent se rendre à la base française de Port Bouet.
Le 9 novembre 2004, le contingent français, retranché devant l’hôtel Ivoire, fait face à des milliers de manifestants sans armes et tire dans la foule faisant une cinquantaine de victimes. Dans la nuit du 31 mai au 1er juin 2005, dans les villages de Guitrozon et de Petit Duékoué plus d’une quarantaine de personnes sont tuées dans leur sommeil. L’ONU expliquera cela par un malentendu entre milices à propos de primes de démobilisation.
Le rapport n°5 de l’ONU sur la Côte d’Ivoire de janvier à avril 2006 fait état de nombreuses exécutions sommaires, disparitions et tortures, aussi bien dans le sud du fait des FDS (Forces de défense et de sécurité, armée régulière ivoirienne) que dans le nord du fait des FN.
Le 28 juin 2006, huit personnes sont tuées dans l’attaque de Dieuzon, dans l’ouest, par des hommes armés. Décembre 2010 , les affrontements à Abidjan, à la suite de l’élection présidentielle dont la certification par l’ONU en faveur de Ouattara est contestée par Gbagbo font une centaine de morts.
Le 29 juin 2007, un attentat contre l’avion qui ramène Guillaume Soro à Bouaké fait quatre morts.
L’accumulation des atteintes aux Droits de l’homme, du fait de toutes les parties en présence, caractérise la funeste décennie que vient de vivre la Côte d’Ivoire. La principale question qui se pose à présent est de mettre fin coûte que coûte à cette atmosphère de haine, alors qu’on la voit au contraire exacerbée par la situation actuelle.
Safari collabore au collectif Ad Nauseam.
« Nous n’avons rien appris, nous ne savons rien, nous ne comprenons rien, nous ne vendons rien, nous n’aidons en rien, nous ne trahissons rien, et nous n’oublierons pas. »
[1] qu’on nous dit ici ou là financé par Ouattara
[2] délégué national à l’Afrique et à la Francophonie du Parti socialiste français
[3] on annonçait ici et là que Ouattara était mort...
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