Café-Débat : Peuple, société civile, citoyenneté de Jacky Dahomay

Bitin Caraibe - 27/02/2012
Image:Café-Débat : Peuple, société civile, citoyenneté de Jacky Dahomay

JEUDI 1er MARS 2012 A PARTIR DE 19H
@ la Casa del Tango (Guadeloupe)

CAFE DEBAT SOCIAL CLUB organisé par Jacky Dahomay

JEUDI 1er MARS 2012 A PARTIR DE 19H

Thème : Peuple, société civile, citoyenneté.

Par Jacky Dahomay

Nous vous invitons à notre prochain café-débat qui se tiendra à
la Casa del Tango le jeudi 1er mars à 19h. Le prochain café-débat se
tiendra le jeudi 16 février 2012 à 19 heures à la Casa del tango.

Quel est l’intérêt d’aborder ensemble ces trois notions :
peuple, société civile, citoyenneté ?

La notion de peuple me semble importante. Pas seulement pour reprendre
le vieux débat : peuple ou population ? concernant les départements
d’Outre-mer. On sait que pour la théorie républicaine française,
la république étant « une et indivisible », il n’y a qu’un
peuple français que constitue la communauté de citoyens. En effet,
avec la révolution française, on est passé d’une vision d’un « 
peuple » (à supposer que le mot ait eu une pertinence avant cette
date) substantialisé selon un ordre inégalitaire et hiérarchique,
à une définition strictement politique du peuple, sous l’influence
de la philosophie politique de Jean-Jacques Rousseau.

Il importe de
rappeler que cette nouvelle conception du peuple était profondément
révolutionnaire car elle mettait fin aux inégalités d’Ancien
régime. Les citoyens sont donc égaux devant la loi mais aussi grâce
au vote, dans la participation à la formation de l’autorité
politique même si ce n’est que lentement que le suffrage se fit
universel, posant le redoutable problème de la représentation. Bref,
c’est dans le peuple politique ainsi défini que se fonde la
souveraineté. Mais la thèse de Rousseau laissait ouverte une aporie,
l’opposition peuple politique/peuple réel ou sociologique,
contradiction qui va traverser toute l’histoire de la république
française.

Il me semble que c’est d’une autre manière qu’il faut aborder
cette question de peuple ou population ? Il est évident qu’il
existe des peuples antillais (guadeloupéen et martiniquais en
l’occurrence), c’est-à-dire des communautés ayant une histoire
commune de plusieurs siècles, s’étant déroulée sur un même
territoire, des peuples ou sens sociologique au plus largement, au
sens anthropologique.

La fondation anthropologique de ces sociétés
durant la période esclavagiste ou coloniale leur donne leur
spécificité. Mais j’affirme que ces peuples, ceux des DOM, n’ont
pas une identité politique propre que seule pourrait donner une
indépendance nationale voire une large autonomie. C’est cette
affirmation qui fait bondir mes contradicteurs.

Nous n’avons pas d’identité politique spécifique parce que nous
ne disposons ni d’Etat, ni d’institutions, ni de droit civil, ni
de citoyenneté qui nous seraient propres. Nous sommes citoyens
français jusqu’à nouvel ordre. Mais cela ne nous empêche pas
d’être des peuples sociologiques spécifiques et nous sommes là à
mon avis face à ce qui pourrait passer pour une contradiction et ce
fait mérite d’être pensé. Mais lors d’un dernier café-débat,
l’historien Jean-Pierre Sainton m’a fait une objection forte.

Selon lui, il y a une manière proprement guadeloupéenne d’exercer
la citoyenneté française, de s’investir dans les processus
électoraux, de se rapporter à la loi et tout cela caractérise une
culture politique spécifique donc une forme d’identité politique
propre.

Dans ce cas, le rapport peuple sociologique/peuple politique
serait plus complexe que cela. L’objection de Sainton, soutenu en
cela par Georges Lawson-Body, m’a quelque peu troublé et m’a
obligé à approfondir ce problème.

(N’est-ce pas l’effet
positif de notre café-débat ?).

Et c’est où on constate que cette notion de peuple, d’une façon
générale qui ne concerne pas que nos sociétés antillaises, est
beaucoup plus complexe et obscure qu’on eût pu le penser.

Cela
concerne surtout les sociétés démocratiques mais au-delà,
l’ensemble des peuples de la planète. Comme l’ont montré les
analyses d’un Claude Lefort ou d’un Pierre Rosanvallon,
l’avènement de la démocratie avec les Temps modernes, en
introduisant la dimension politique dans l’identité nationale
produit une abstraction – très forte chez les républicains
français- un formalisme nécessaire ou incontournable qui produit une
désubstantialisation du peuple.

Mais aussi des tentatives de
ré-substantialisation qu’on trouve chez les nationalistes
d’extrême droite tout comme chez des auteurs comme Proudhon ou
Marx. Dans LaFrance imaginée, Pierre Birnbaum décrit l’évolution
de l’opposition qui déchire l’identité française entre la
conception républicaine d’une part, et les mouvements
nationalistes d’autre part et qui ne connaîtront un relatif
apaisement qu’avec le gaullisme sous la cinquième république.

Or,
depuis les années 80, l’affaiblissement des Etats sous le poids des
puissances financières internationales, l’essoufflement de la
représentation politique traditionnelle avec le développement de ce
qu’on appelle la « démocratie d’opinion », pose à nouveaux
frais la détermination de ce peuple sans doute introuvable pour
reprendre l’expression de Rosanvallon. Des mouvements même
sporadiques ou spontanés de certains éléments de la société
civile comme les Indignés donne aussi à penser.

Il semble donc difficile de mettre de côté ces contradictions à
l’échelle mondiale lorsque l’on veut analyser nos sociétés.
Notre caractère exceptionnel de « colonies départementalisées »
nous invite à repenser le rapport peuple sociologique/peuple
politique d’une autre manière qu’il a été pensé, en France par
exemple, car le rapport « peuple sociologique »/ « peuple politique
 », chez nous, ne peut être de même nature que celui qui oppose « peuple sociologique français métropolitain »/ « peuple politique ».

Je me propose donc de montrer :

1- Que la formation anthropologique spécifique de nos sociétés
tout comme l’histoire même des mouvements indépendantistes ou
autonomistes, nous invitent à abandonner toute conception
substantialiste du peuple.

2- Que la solution est à chercher non pas dans la représentation
politique traditionnelle mais dans des formes nouvelles de
dynamisation de la société civile, ce qu’avait commencé le
mouvement initié par le LKP.

3- Cette redynamisation de la société civile qui mérité
d’être pensé devrait entraîner un autre rapport avec la
citoyenneté, transcendant nos avatars historiques et, de ce fait, une
nouvelle problématisation de la question de l’évolution
statutaire.

Jacky Dahomay

Retrouvez toutes les informations du café-débat sur :
www.kazatango.com

La Casa del Tango

Espace climatisé avec parquet, terrasse extérieure

Bar et restauration légère

Pour s’y rendre : en arrivant de Pointe à pitre,
prendre la première entrée pour Jarry. Au premier
rond-point, devant Savima, prendre à droite la rue
Alfred Lumière et allez jusqu’au bout de la rue. La
Casa del Tango est sur la gauche au numéro 651.

651 rue alfred Lumière ZI Jarry
97 122 Baie-Mahault
0690 99 50 21

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 27/02/2012

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