La responsabilité de la France dans les guerres au Congo ex-Zaïre

Jacques Morel - 13/10/2010
Image:La responsabilité de la France dans les guerres au Congo ex-Zaïre

France Rwanda Génocide - Enquêtes, Justice et Réparations
12 octobre 2010

L’une des origines des guerres qui ensanglantent le Congo ex-Zaïre depuis 1996 – peut-être sa principale cause – est la non arrestation par les militaires français des auteurs du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, lors de l’opération Turquoise et le soutien que la France n’a cessé d’accorder à ces criminels.

À cette occasion elle a rétabli le dictateur zaïrois Mobutu, qui, totalement discrédité par ses crimes, n’osait plus apparaître à Kinshasa et avait été mis au ban de la communauté internationale.

La France a défendu le criminel Mobutu jusqu’au bout.

Faisant silence sur ces compromissions d’un membre permanent du Conseil de sécurité, un rapport du Haut commissariat aux Droits de l’Homme des Nations Unies1 accuse les forces de l’AFDL/APR,2 et en particulier l’armée rwandaise, d’avoir procédé au « massacre systématique des Hutus qui restaient au Zaïre » à partir de 1996, donc d’avoir commis un génocide.3

Une accusation qui accrédite la thèse du double génocide

Il est indiscutable que l’AFDL soutenue par des éléments de l’armée rwandaise (APR) a lancé en 1996 une offensive militaire qui a vidé les camps de réfugiés rwandais en novembre 1996, puis est allée jusqu’à Kinshasa et a renversé le régime du dictateur Mobutu le 28 mai 1997.

L’armée rwandaise a pu commettre des crimes de guerre au Congo ex-Zaïre. Il faudrait le prouver par une enquête impartiale. Mais elle ne peut être accusée de génocide contre des Hutu. En effet, c’est son offensive militaire qui a permis de rapatrier la majorité des Rwandais hutu retenus en otage par les forces génocidaires qui contrôlaient ces camps, sous le patronage du Haut commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR). Le rapport Mapping estime que ce fait ne permet pas « en soi d’écarter totalement l’intention de certaines personnes de détruire en partie un groupe ethnique comme tel ».4

Les précédents génocides ont nécessité d’être planifiés par un État. Ils n’ont pas été pensés seulement par quelques individus. Aucune preuve en ce sens n’est apportée par le rapport Mapping. Si l’État rwandais avait eu, en 1996 et après, l’intention d’exterminer le groupe ethnique hutu, il n’avait pas besoin d’aller chercher des Hutu au Congo puisqu’ils étaient sur place au Rwanda.

La vérité est que des éléments de l’armée rwandaise, dans une opération combinée avec des rebelles congolais, ont poursuivi non pas des Hutu mais les auteurs du génocide des Tutsi. Ils étaient en droit de le faire puisque l’ONU s’y est refusée pendant 3 ans, consacrant au contraire l’essentiel de ses efforts à entretenir ces criminels dans des camps. Que dans cette opération de destruction de l’appareil des ex-FAR5 et Interahamwe, des militaires rwandais aient commis des actes répréhensibles est possible.

Mais il faut tenir compte de la tactique des boucliers humains dont les génocidaires ont usé et abusé. Il faut se souvenir qu’en 1994 au Rwanda, même des femmes et des enfants dépouillaient les cadavres des Tutsi, et que des jeunes n’ayant pas participé au génocide ont été emmenés en otage au Zaïre et y ont reçu une formation militaire donnée par les ex-FAR.

Le fait que des Rwandais revenus du Zaïre ont été jugés, et pour beaucoup libérés (la peine de mort n’a été appliquée au Rwanda qu’à 22 génocidaires, le 24 avril 1998, et elle est abolie depuis 2007) démontre l’inanité de l’accusation de génocide des Hutu. Il y a même actuellement dans l’armée rwandaise des ex-FAR qui ont combattu contre le Rwanda au Congo, comme le général Paul Rwarakabije.

Ce rapport tend à assimiler ce qui s’est passé au Rwanda en 1994 avec des crimes commis au Zaïre, dont la nature et l’ampleur restent largement à caractériser et dont l’état actuel des connaissances ne permet en rien d’affirmer qu’ils relèvent d’un plan similaire à celui qui a conduit à l’extermination d’un million de Tutsi.

Alors que ce rapport Mapping mette ces faits, fût-ce de manière implicite, sur le même plan que le génocide des Tutsi, qui, lui, procède d’un véritable plan d’extermination dans lequel a trempé la France, est d’autant plus abject qu’il ne cite le génocide des Tutsi que de manière anecdotique.

Condamner sur des bases aussi fragiles et partiales les responsables de l’armée rwandaise qui a mis fin au génocide des Tutsi tandis que la plus totale impunité reste de mise pour les dirigeants français qui, eux, ont soutenu, armé et encouragé les auteurs de ce génocide avant de se refuser à les arrêter quand ils en avaient l’occasion et le devoir, montre à quel point la machine onusienne est corrompue par les privilèges des membres permanents du Conseil de sécurité.

Cette accusation contre le Rwanda semble montée dans le but politique d’accréditer la thèse du double génocide, selon laquelle au Rwanda, les Hutu auraient tué les Tutsi et les Tutsi, les Hutu. Elle vise à justifier les mensonges des auteurs de ce génocide des Tutsi du Rwanda qui faisaient croire par leur propagande que ces derniers voulaient perpétrer le génocide des Hutu, c’est pourquoi il fallait « tuer pour ne pas être tué. » Elle vise à justifier ceux qui ont toujours soutenu les auteurs du génocide des Tutsi, comme la France et des organisations catholiques.6

Ce rapport Mapping se livre à un escamotage délibéré des événements de 1994 au Rwanda, à l’origine des guerres et massacres qui ont ensanglanté le Zaïre devenu République démocratique du Congo (RDC) :
L’Organisation des Nations Unies (ONU) qui disposait d’une mission de Casques bleus au Rwanda, la MINUAR,7 était informée de la préparation du génocide des Tutsi du Rwanda8 et l’a laissé faire. Elle a admis que le gouvernement qui organisait ce génocide siège sans discontinuer au Conseil de sécurité.

Seule l’APR s’est opposée aux assassins et a mis un terme au génocide en les mettant en déroute. Le Front patriotique rwandais est la seule organisation à avoir respecté la Convention de l’ONU contre le génocide, celui-ci étant apparu évident dès le 8 avril 1994.9


France Rwanda Génocide - Enquêtes, Justice et Réparations

Nos objectifs :

• Etudier et mettre en oeuvre tous les moyens de poursuivre devant les justices françaises, étrangères ou internationales, les personnes non rwandaises et principalement françaises, présumées impliquées dans l’exécution du génocide des Tutsi du Rwanda en 1994.

• Obtenir des réparations pour les victimes de ce génocide ou leurs ayants droits en particulier de la part de l’État français.

• Dénoncer les organisations, les idéologies, les méthodes de manipulation et d’action psychologique ayant permis ce crime de génocide, sans exclusion de période historique ou de localisation géographique.

• Faire connaître par tous les moyens et actions connus et inconnus à ce jour (édition, web, vidéo, audio, théâtre etc.) l’action et les buts de l’association et l’ensemble des éléments concernant le génocide des Tutsi de 1994 au Rwanda.

www.francerwandagenocide.org

Jacques Morel, ingénieur du CNRS retraité, est l’auteur de La France au coeur du génocide des Tutsi, L’Esprit Frappeur/Izuba, 2010 et de nombreux articles sur le rôle joué par la France au Rwanda publiés dans la revue annuelle, La Nuit rwandaise.

Il est l’auteur du « Calendrier des crimes de la France d’Outre Mer » édité chez L’Esprit Frappeur en septembre 2001.

Il est membre de l’association France Rwanda Génocide - Enquêtes, Justice, Réparations.

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 13/10/2010

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