Rouen, base arrière des extrémistes rwandais

Bruno Gouteux - 9/12/2019
Image:Rouen, base arrière des extrémistes rwandais

Enquête | Le Poulpe
Par Theo Englebert | 3 décembre 2019

Rouen et la Seine-Maritime, discrètes bases arrière des extrémistes rwandais ces vingt dernières années.

Un article de Theo Englebert pour le site Le Poulpe, site d’investigation normand :

« Entre avril et juillet 1994, les extrémistes Hutus massacrent près d’un million de personnes au cours du génocide des Tutsis du Rwanda. Le drame rwandais puis les guerres successives qui ravagent le Congo voisin poussent des millions de personnes sur les routes. Un certain nombre de génocidaires rwandais prennent le chemin de la France. À l’aube des années 2000, la Seine-Maritime voit s’installer une importante communauté rwandaise constituée majoritairement de Hutus au passé trouble (...) »

« À Rouen, anciens génocidaires rwandais et membres d’un groupe armé exercent leur influence sur la diaspora en toute impunité depuis 20 ans. Dans les années 2000, ils phagocytaient le dispositif d’accueil des demandeurs d’asile.
Ces sinistres individus s’impliquent aujourd’hui activement dans le soutien à l’opposante rwandaise Victoire Ingabire.
 »

L’article est uniquement accessible sur abonnement.

Vous pouvez en lire sur le site New Times (en anglais) une recension : French paper takes aim at Genocide fugitives, par James Karuhanga.

Nous vous en livrons ci-dessous une rapide traduction :

Un journal français vise les fugitifs du génocide des Tutsi

Un média en ligne français, Le Poulpe, basé à Rouen, ville portuaire des bords de Seine et capitale de la région Normandie, a mis en lumière les activités des fugitifs du génocide rwandais qui y résident.

Le 3 décembre, la publication en ligne Le Poulpe a rapporté qu’à Rouen, des génocidaires rwandais et des membres d’un groupe armé continuent d’exercer leur influence sur la diaspora en toute impunité depuis les deux dernières décennies.

Selon la publication, au cours des 20 dernières années, ces fugitifs du génocide ont gagné en influence et utilisé les structures françaises de demande d’asile à leur bénéfice.

Le site d’information ajoute que ces « sinistres individus sont activement impliqués » dans le soutien à Victoire Ingabire, chef des FDU-Inkingi, qui a des liens avec des groupes terroristes qui sont des ramifications des ex-FAR et des milices Interahamwe, auteurs du génocide contre les Tutsi.

Egide Mutabazi, 43 ans, survivant du génocide, a déclaré au New Times qu’il était surpris d’entendre que dans une ville, dans un autre pays, les organisateurs et les auteurs du génocide sont bien organisés, et en toute impunité.

Il ajoute : « il est clair que ces organisations, qui regroupent d’anciens militants du régime Habyarimana à Rouen et en Seine-Maritime, sont des négationnistes du génocide. La communauté internationale devrait travailler de concert pour mettre fin à l’action de ces organisations ».

« Quelle est la leçon de ce qui s’est passé au Rwanda, il y a 25 ans, si les criminels ou leurs proches continuent de soutenir les milices FDLR qui veulent « terminer le travail » du génocide ? La France doit éviter d’être le refuge des auteurs impunis du génocide. La France devrait les renvoyer au Rwanda pour jugement ou les juger si son gouvernement croit vraiment au ’plus jamais ça’. »

Rouen, capitale européenne des génocidaires

Faisant référence à Rouen comme capitale européenne des génocidaires, Le Poulpe souligne comment, après le génocide de 1994 contre les Tutsi au Rwanda, les premières personnes à s’installer dans la région Normandie étaient des intellectuels proches du régime génocidaire en déroute, hostiles au nouveau pouvoir en place à Kigali.

Le Poulpe note qu’ils ont créé leur propre structure régionale, basée à Rouen, l’Association des Rwandais de Normandie (ARN), qui a à sa tête des Rwandais de la région de Kigali et du nord du Rwanda, et dont les statuts ont été rédigés le 24 mai 2003 et déposés en préfecture le 25 juin de la même année.

La France abrite, entre autres, Agathe Kanziga, veuve de l’ancien président Juvénal Habyarimana, Manasse Bigwenzare, un ancien juge, Sosthene Munyemana, surnommé « le boucher de Tumba » pour les atrocités qu’il a commises dans le sud du Rwanda, et le père Wenceslas Munyeshyaka, un prêtre catholique accusé d’avoir directement participé aux tueries dans certaines parties de Kigali.

Entre 2001 et 2004, note Le Poulpe, Marie-Merci Habyarimana, la plus jeune fille de Juvénal Habyarimana, faisait ses études d’ingénieur à Rouen. « Quelques années plus tard, Joséphine Mukazitoni, l’épouse de Félicien Kabuga, le grand financier du génocide de 1994, y résidait également », selon Le Poulpe. Kabuga, homme d’affaires rwandais insaisissable, a été et est toujours le suspect le plus recherché du génocide de 1994. Kabuga, connu comme le « financier du génocide », était un homme d’affaires très riche pendant le génocide et l’un des actionnaires majoritaires de la radio de la haine, la RTLM.

Entre autres, toujours selon le journal français, Rouen est devenue un lieu de villégiature pour les proches des personnes accusées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), créé par l’ONU pour juger les cerveaux du génocide de 1994 commis contre les Tutsi, tribunal qui a aujourd’hui cessé ses activités.

La ville est également un paradis pour certains des architectes du génocide, y lit-on, comme Issa Nyabyenda, ancien rédacteur en chef de l’édition internationale du magazine Kangura, l’un des principaux médias génocidaires. Le journal visait à étendre et à attiser la haine anti-Tutsi dans toute la région des Grands Lacs. On peut y lire que son ancien patron, Nyabyenda, vivrait toujours en France, sous un faux nom.

Le document détaille également comment les membres du groupe armé FDLR, milice basée en République Démocratique du Congo, qui comprend des éléments accusés de génocide de 1994, ont trouvé refuge dans la ville française. L’un d’eux, Emmanuel Ruzindana, est responsable des affaires politiques dans la hiérarchie des FDLR.

Il est également à noter que le site d’investigation rapporte que le colonel Augustin Munyakayanza, un autre haut responsable du commandement militaire de l’organisation terroriste, s’est également installé, plus discrètement, dans l’agglomération.

Plus d’infos

Twitter : @TheoEnglebert

Le Poulpe | www.lepoulpe.info
« Proposer et défendre l’investigation en Normandie, un genre journalistique souvent aux abonnés absents dans les medias locaux et régionaux. »

New Times
French paper takes aim at Genocide fugitives, New Times, James Karuhanga (9 décembre 2019)

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Illustration : Rwandan Genocide fugitives indicted by the UN court / capture d’écran, New Times

Bruno Gouteux est journaliste et éditeur —Izuba éditions, Izuba information, La Nuit rwandaise, L’Agence d’Information (AI), Guerre Moderne, Globales…—, consultant —Inter-Culturel Ltd— et dirige une société de création de sites Internet et de contenus —Suwedi Ltd.

Il est engagé dans plusieurs projets associatifs en France et au Rwanda : Appui Rwanda, Distrilibre, Initiatives et Solutions interculturelles (ISI), le groupe Permaculture Rwanda, Mediarezo

 9/12/2019

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